Jacques Brel nous a quitté il y a eu quarante ans hier 9 octobre. Pour moi des souvenirs qui m’avaient fait pleurer à l’époque refont surface… Acceptez que je les partage avec vous!
Nous sommes en 1971. Avec Vic Elford et Mike Parkes nous rentrons de Spa Francorchamps avec le Beechcraft Baron bimoteur de Mike. La veille, une fois de plus, nos Fiat 128 Groupe 2 ont explosé le joint de culasse, un point faible que Fiat n’a jamais accepté de corriger. Parkes, écoeuré, avait annoncé à la cantonnée : Je vais me saouler ! Et il s’est jeté sur quelques élixirs des Highlands atteignant rapidement un état éthylique auquel il n’était pas habitué mais sa décision était compréhensible vu la fatigue et la déception.
J’avais des ordres rigoureux de Georges Filipinetti :
Je veux que tu m’appelles après chaque course, même au milieu de la nuit, quelque soit l’heure et le résultat.
Comme les Fiat 128 n’atteignaient que rarement l’arrivée, je me faisais chaque fois traiter d’inutile et insulter avec des commentaires genre :
Vous êtes tous des incapables et tu me fais chier en me réveillant avec tes pitoyables résultats !
Mon patron n’était pas à une contradiction près et cette fois j’avais décidé, avec la complicité embrumée de Mike, d’aller me coucher sans l’appeler.
A peine notre avion posé (Vic Elford aux commandes, malgré qu’il n’eût plus sa licence de pilote, ce qui valait mieux pour notre sécurité vu la gueule de bois de M. Parkes !) la radio de bord nous informe que Georges Filipinetti nous attend au restaurant Le Plein Ciel de son ami André Canonica au dernier étage de l’aérogare de Cointrin. Accueil très froid de notre boss, sourire un peu niais de son bras droit Claude Sage, mais réception agréablement professionnelle de M. Canonica.
D’entrée de jeu c’est la grande scène du 3 de la Commedia del Arte : « Je t’avais bien demandé de toujours me téléphoner après les courses. Je n’ai rien entendu. Alors sache que je me fiche des joints de culasse… et que je te fous dehors avec effet immédiat. Textuel !
Cet ‘uppercut’ au moral m’a fait jaillir les larmes tant cette intervention était injuste… de plus précisément au moment où Canonica demandait à son ami Filipinetti de recevoir à notre table un client jusque là solitaire dans son coin. Un personnage barbu qui terminait sa licence de pilote professionnel par une formation pratique IFR (Vol aux instruments).
C’est ainsi que nous avons eu le plaisir de serrer la main de Monsieur Jacques Brel en personne !
Il semblait content de rencontrer quelques pointures du sport automobile : Parkes, Elford, Filipinetti, en ajoutant les seconds couteaux Sage et le directeur sportif Akimismo, qui augmentait son débit lacrymal en s’entendant présenter comme ex-directeur sportif. Authentique. Puis le boss, debout, seigneurial et théâtral, comme lui seul savait le faire pour se mettre en scène, regardant Jacques Brel mais s’adressant à moi : Bon ça ira pour cette fois, je passe l’éponge… tu es réengagé. Il paraît qu’il était coutumier de ce genre de spectaculaire coup de sang, du reste parfaitement préparé et prémédité, ce que j’ignorais. Je ne sais pas si l’auteur du Plat Pays s’est rendu compte de mes larmes et de ma réintégration mais il avait l’air content de décliner l’invitation à manger à notre table, repartant vers ses livres d’études aéronautiques.
Si un autre chanteur avait été le témoin de l’esclandre du ‘Ministre’ il aurait pu dire : Putain de joint de culasse !
A reblogué ceci sur Au temps des automobilistes.
J’aimeJ’aime
J’aime bien tes histoires, tes souvenirs.
Bonne soirée Akimismo
J’aimeAimé par 1 personne