
Et si je perdais mon œil valide ?
Aucun borgne n’échappe à cette terrifiante pensée, surtout au moment de confier son bon œil à un ophtalmo pour l’opération de la cataracte ou pire, comme il y a 2 ans, alors que, comme Abraracourcix, j’ai cru que le ciel m’était tombé sur la tête : Je lisais tranquillement mon journal, et d’un coup la page s’est troublée, puis a disparu de ma vue. Par chance mon ophtalmo m’a donné rendez-vous en urgence le soir même à 20 heures. C’est à Ubeda, à 100 km de chez nous et je me félicite d’avoir insisté il y a quelques années pour que ma femme passe son permis de conduire.
Diagnostique : Décollement de la rétine. Ah bon ! Et comment ça se soigne ? Opération ! Quand ? Demain à 12 heures 30, le rendez-vous est déjà pris dans une clinique privée ! Où ? Cordoba ! Hein ?… Oui, Cordoba. On ne peut pas attendre un peu ? Non, car votre œil serait perdu. J’abrège : Ma courageuse femme affronte, seule au volant bien sûr, un périple de 700 km. De la maison à Ubeda, puis retour pour prendre une brosse à dents et quelques affaires et, dès 6 heures, les 250 km depuis notre domicile jusqu’à Cordoba. Et retour au bercail avec l’handicapé, après l’opération ! Je ne le répéterai jamais assez : Merci chérie !
Voici à quoi ressemble un décollement de la rétine :

Et voici ma rétine recollée !

L’opération a duré une heure quarante. Vous voulez des détails ?
On fait trois trous dans la cornée : un pour passer l’outillage destiné à remettre les éléments déchirés en place, un autre orifice pour le laser destiné à appliquer les 700 points de soudure (oui 700 !) et fixer la rétine rassemblée et recollée. Le troisième trou permet de passer un tuyau pour évacuer le ‘vitré’, ce gel qui remplit le globe oculaire et un autre pour injecter du gaz qui maintiendra sa forme sphérique.
Il faudra attendre l’élimination naturelle de ce gaz et son remplacement par un nouveau ‘vitré’, que cette merveille de corps humain aura fabriqué.
Une ‘plaisanterie’ qui ne me laissera voir que des lueurs, de vagues formes et des silhouettes en mouvement, sur une chaise longue, pendant 5 semaines. Ayant vécu cette longue attente sur ma terrasse je suis heureux de vivre au climat andalou.

Une image à laquelle je suis attaché, puisque que j’en suis l’auteur… mais surtout parce que j’ai bien failli ne plus jamais la voir !
Après cet intermède moralement ‘douloureux’, j’ai repris ma vie presque normale, 3 mois plus tard !
Pour l’instant, je suis reconnaissant que l’ophtalmologie me permettre de continuer la publication de ‘Ma vie en monovision’.
Vous me suivez ?
Les borgnes maîtrisent mieux les risques !
J’ai pris des risques dans ma vie : en montagne avec quelques situations extrêmes à près de 8’000 mètres en Himalaya, moins 38° en Laponie, cyclisme avec des descentes de col à plus de 100 km/h, moto à 285 km/h, plus de 300 km/h avec une Ferrari Daytona de compétition de 440 CV, parapente, ballon à air chaud, dirigeable, entretien de toits à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, et même deux mariages… je vous l’ai dit, j’ai vécu dangereusement ! Et je continue à prendre des risques : sachant que le 95% des gens meurent dans leur lit, je persiste à me coucher dans le mien chaque soir. J’ai connu des gens jouissant d’une vision normale qui ont eu des accidents, même graves et mortels. Ai-je eu de la chance ? Je réponds oui, mais seulement si la concentration permanente et la conscience du danger de tous les instants, qui m’ont permis d’échapper au pire, sont des caractéristiques de la chance !
Vivre avec un borgne
Une porte d’armoire restée ouverte, c’est pour ‘ma pomme’, ou pour mon oeil, le valide bien sûr ! Un tiroir resté ouvert, c’est pour mon genou. Un tapis dont les coins se relèvent, c’est encore pour mon pied qui va trébucher. Idem pour tout meuble ou accessoire ménager non remis dans « son » site habituel. Ô que j’apprécie cette ancienne affiche de ma jeunesse, vue dans l’atelier d’amis artisans :
Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place.
Quelques dizaines de centimètres de déplacement d’un objet par rapport à « sa » place habituelle peut être dangereux. Je vous le dis : pour un amblyope et ceux ou celles qui le côtoient, c’est le Bronx ! L’occasion de remercier celles qui ont partagé ma vie pour leur compréhension…
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