C’est l’histoire d’un amblyope sans complexe qui avait décidé que son handicap n’était pas une entrave à quelques situations, normalement interdites à un borgne, qui vous seront contées dans ce texte. Bonne lecture
Norbert Duvoisin (akimismo) Juin 2022
La chaleur estivale andalouse n’incite pas à l’écriture. Donc, à défaut d’être prolifique sur mon blog, j’invente de nouvelles rubriques pour réactualiser mes écrits passés. J’initie une chronique : La vie d’un borgne.
Il s’agit d’extraits d’un manuscrit d’une centaine de pages en attente d’éditeur, dans lequel je raconte les vicissitudes de la vie d’un homme né avec une malformation congénitale du nerf optique. Rien que ça…
Un truculent dessinateur (il se reconnaîtra !) a publié l’autre jour une histoire de lunettes virtuelles. Ce sera le point de départ de ce premier chapitre de La vie d’un borgne, qui deviendra Ma vie en monovision!
Vive la télévision en trois dimensions
Parfois je me défoule sur d’innocents vendeurs d’abrutisseurs couleur 3D. Je sais, ce n’est pas très sympa mais vous verrez que c’est en général eux qui cherchent la rixe.
Réalité virtuelle… mon cul ! Y m’emmerdent avec leurs inventions à la graisse de hérisson. Imaginez l’effet que peut avoir la TV et les lunettes de vision virtuelle en 3D chez un borgne.
Il y a longtemps, un samedi matin dans un centre commercial bondé, je flâne près d’un stand faisant une promotion pour la télévision en trois dimensions. Un ‘technicien de vente, jeune cadre dynamique’ avec une tête de premier de classe comme le disait Coluche m’interpelle : « Vous voulez essayer cette sensation nouvelle des images en 3D ? » (Je vous l’avais dit : C’est lui qui a commencé)
« Volontiers ! » On m’installe dans un fauteuil de ministre, à quelques mètres d’un gigantesque écran LED ou plasma, (je ne sais par faire la différence !), on ajuste des lunettes de cosmonautes sur ma figure, on lance la vidéo de démo. Vous aviez subodoré le gag non ? « C’est fantastique hein ? » « Bof ! Avec ou sans ces lunettes spéciales je ne vois pas de différence ! » Taquin mais aussi un peu salopard avec un personnel se donnant toute la peine du monde pour convaincre un futur client, je fais vicieusement durer le plaisir (au fait ‘mon’ plaisir !) entraînant toutes sortes d’interventions, de réglages sur le software de la bécane et même recours à l’aide d’un collègue. J’attends le point de rupture avant de finalement lâcher la question vicieuse : « Ne me dites pas que votre révolution n’est pas perceptible par un borgne ? » Si vous aviez vu leur tronche !
A noter que si la 3D ne me concerne pas, la 5G oui… Ah bon ? Que les ‘autres’ traversent la vie (et les routes) avec leurs smart phones et des gadgets de réalité virtuelle, rien à redire. Le suicide n’est pas interdit ! Mais que les ondes mortelles destinées aux malades de la connexion perpétuelle m’assassinent… pas d’accord !
C’est tout pour cette fois. Bientôt je vous parlerai de la parallaxe, un sujet particulièrement sensible pour un ‘monovisionaire’ !
Sur ce blog, le 7 août 2021, j’évoquais un manuscrit d’une centaine de pages en attente d’éditeur, dans lequel je raconte les vicissitudes de la vie d’un homme né avec une malformation congénitale du nerf optique. Oui, un borgne… rien que ça.
J’ai bien réfléchis et me dis qu’à mon âge avancé, avec la situation sanitaire que nous traversons, je n’ai aucune raison de me compliquer l’existence avec une recherche d’éditeur. Pourquoi raconter ma vie à des gens que ne me connaissent pas et surtout risquer les maigres d’économies qui me restent pour finir tranquillement mes jours ?
La parallaxe
… ou comprendre les avantages de votre vision binoculaire sur la mienne, diminuée de moitié !
En 1957 j’ai acheté mon premier appareil photo. Il était équipé d’un cadre viseur iconométrique. Kékséksa ? Corollaire de ce type de viseur, il y avait une molette de correction de la parallaxe. Je répète la question : Kékséksa ?
Vous n’y comprenez rien ? Je vous rassure : à l’époque moi non plus. Mes recherches pour ce texte m’ont permis d’en savoir un peu plus.


Dans les deux cas on a deux axes optiques visant le même sujet : la ligne du viseur et la ligne de l’obturateur. Ce genre de visée nécessite une correction automatique ou manuelle de la parallaxe. Vous avez dit parallaxe ? Nous y voici !
Une expérience courante : On place devant soi le bras tendu et le pouce relevé, devant un fond relativement lointain, comme le montre cette mauvaise photocopie!

Si l’on regarde son pouce (sans le déplacer) successivement avec l’œil droit, puis avec l’oeil gauche, on a l’impression qu’il se déplace devant le fond, qui lui reste immobile. L’illusion provient du fait que le pouce est observé sous deux angles différents selon qu’on regarde avec l’un ou l’autre des yeux. C’est la parallaxe, vous l’aviez compris ! Moi aussi mais je pose une question : Comment faire avec un seul oeil, même avec deux pouces ? Je mets fin au suspense en précisant que vous n’êtes probablement pas conscients du phénomène puisque votre cerveau, génial ordinateur, juxtapose les deux images, en fait la synthèse… et vous obtenez une vision en 3 D. Nous reviendrons plus tard sur la troisième dimension, mais pour l’heure, nous en resterons à la parallaxe.
Il y a trois quarts de siècle que je pratique un succédané de parallaxe, mais avec un seul oeil : Pour déterminer la distance à laquelle se trouve un sujet et analyser le rapport de distance entre les divers plans d’un paysage, qui pour moi est ‘plat’, je m’arrête, fixe l’image, et déplace plusieurs fois ma tête latéralement d’une douzaine de centimètres (la distance qu’il y a entre les deux yeux) et j’obtiens les informations par le biais de ce genre de parallaxe ! C’est aussi simple que ça. Vous comprenez mieux ma rage quand me voyant faire ces gestes, mes camarades skieurs se moquaient. Les gueux !
Je leur pardonne car ces cuistres ignoraient mon handicap, et surtout n’avaient pas compris que pour moi tout va mieux en mouvement, à condition de refaire le point à chaque arrêt… Par exemple à un stop en voiture je suis plus à l’aise et plus sûr en le faisant « à la française » comme disent les helvètes, soit le stop ‘coulé’ qui est parfaitement entré dans les habitudes andalouses ! Si je marque l’arrêt légalement je dois reprendre toutes mes marques, refaire toutes mes analyses du trafic, distances, vitesse des autres, bref le ‘merdier’ pour tout le monde. Allez expliquer ça aux gendarmes de Genève, de Clermont-Ferrand ou de Barcelone ! C’est pourquoi je finirai mes jours en Andalousie, continuant à passer les ‘stop’ à la façon d’une perte de priorité, à très basse vitesse et de manière parfaitement sécurisée. Quand les autorités concernées auront compris ça j’aurai depuis longtemps rendu mon permis et cessé de conduire. Bonne route et n’oubliez pas de vous arrêter longtemps, même très longtemps au stop avant de reprendre la marche comme la plupart des conducteurs, en coupant la route aux prioritaires qui auront profité de votre arrêt pour continuer leur mouvement. J’affirme que cette application scrupuleuse de la loi est une bonne manière de foutre le bordel dans la circulation !
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ! Cette expression suppose que celui qui est meilleur que les autres, dans quelque domaine que ce soit, et peut les dominer ou passer pour un maître. Mais c’est oublier que souvent les faibles se liguent contre l’intrus, celui qui est différent, et l’éliminent.
Le cyclope
Ce chapitre sera donc un « best of » ou « remake » (l’anglais c’est pratique pour radoter, se répéter et la jouer pédant, non?) . Ce texte a donc déjà été publié partiellement ici en septembre 2019, sous le titre « J’ai échappé à l’opération ». C’était l’époque où je cherchais un éditeur et je proposai ce titre à peine prétentieux pour mon manuscrit :
Le cyclope qui pensait avoir deux yeux et qui a réussi sa vie avec un seul !
Un ‘Clin d’œil’, c’est le cas de le dire, à Arto Paasilinna le truculent écrivain finlandais spécialiste des titres originaux.
Pour ceux qui auraient ‘manqué le début’ sachez que né borgne et n’ayant jamais accepté mon handicap j’ai eu une vie sortant de l’ordinaire… c’est le moins qu’on en puisse dire. J’ai donc compilé les vicissitudes de l’existence d’un demi voyant ! C’est vrai qu’il ne doit pas y avoir beaucoup de borgnes qui ont piloté leur Kawasaki 1000 RX à 285 km/h, des voitures de près de 500 CV à 320 km/h, fait des expéditions en Laponie et en Alaska, plus de 350 km à ski de fond dans le grand Nord à d’agréables températures de moins 38°, de la haute montagne jusqu’à 7600 m. d’altitude sur les pentes du Cho Oyu, un des quatorze 8000 m de l’Himalaya, après avoir parcouru, à l’ancienne, 450 km à pied en 34 jours de marche d’approche. J’ai aussi piloté des parapentes, des montgolfières et des dirigeables. Ajoutons encore quelques dizaines de mille kilomètres à vélo de course, des milliers de kilomètres à ski de fond, des hautes routes de Chamonix à Zermatt à ski et peau de phoque, sans parler des innombrables 4000 gravis… et même titulaire d’un brevet fédéral de professeur de ski!
J’avais, déjà sans modestie, décrété que cette trajectoire avec un seul oeil méritait d’être racontée.

J’avais 6 ans. Mon père avait pris rendez-vous à Lausanne à l’Hôpital ophtalmologique qu’on connaissant alors sous le nom d’ASILE DES AVEUGLES, ce qui n’encourageait pas de s’y faire ‘tripoter’ un unique œil valide.
En ces temps préhistoriques des traitements oculaires on pratiquait déjà un test basique que ceux qui ont fait un examen de la vue connaissent : On vous montre une scène avec un animal et une cage. Il s’agit de faire entrer l’animal dans la cage. C’est très simple… mais impossible pour moi !
C’est du reste pourquoi je n’ai jamais pu goûter à ce jeu très en vogue du temps de mon enfance :

Ce ‘gadget’ permettait de comprendre le phénomène de la perception du relief grâce à la superposition de deux images du même sujet ou paysage mais pris sous deux angles différents, bien sûr destinés à ceux qui ont deux yeux
Revenons à la réception à l’Asile des aveugles où nous sommes accueillis par un ophtalmologue en blouse blanche (En 1947 on n’avait pas encore pensé au vert pour les blouses des toubibs, couleur plus avenante et tranquillisante pour le patient !) Il nous donne quelques détails que je n’ai jamais oubliés sur le déroulement de l’opération. Je revois encore une inscription à la craie sur une sorte de tableau de couleur verte, vous noterez la précision de mes souvenirs qui ont hanté mes jours et mes nuits à la suite de cette visite à ‘La Mecque des yeux lausannoise’ ! Le titre du tableau était « Opérations » et l’inscription unique : Norbert Duvoisin 08:00 avec la date du lendemain…
Mon père : « Y a-t-il des risques ? » « Très peu, c’est une opération assez banale : On pratique deux petites incisions, une de chaque côté de l’œil, on fait deux coupes du muscle oculaire, on ‘tire’ depuis l’extérieur pour redresser le strabisme, on suture et voilà le travail ! Le seul inconvénient serait qu’on perde le contrôle de l’œil et qu’il tourne sur lui-même… A 6 ans nous avons des souvenirs précis et pour ceux qui pensent que j’affabule au sujet de cette ‘énormité’ attendez, ce n’est pas terminé ! A la stupéfaction de mon père, le professionnel minimise les conséquences de cet éventuel très rare échec de la manœuvre : « De toutes façons ça ne changerait pas la vie de votre fils puisque cet œil ne voit pas ». « Donc vous dites que cette opération ne corrigerait pas sa vue ? » « Non, bien sûr, il ne s’agit que d’une opération esthétique de suppression du strabisme en vue d’améliorer son confort de vie ! » Vous me permettrez de douter d’une amélioration de confort avec un œil retourné… La suite est encore plus présente dans la mémoire du gosse que j’étais : Après le renoncement de mon père à cette inutile charcuterie ‘médiévale’ je revois notre interlocuteur saisir une éponge mouillée et effacer mon nom du tableau. Ouf !
Vous reprendrez bien une petite pensée, non?
« Un antimilitariste borgne vaut 2 fois plus qu’un colonel avec deux yeux ».
Signé Norbert Duvoisin, connu aussi sous le pseudo d’Akimismo!
Une vie de borgne
J’ai eu la chance d’avoir une vie heureuse, pleine de découvertes… avec un seul oeil valide, mais doublement ouvert sur le monde.
Si vous voulez partager quelques réflexions avec moi, vous êtes les bienvenues et bienvenus… même avec deux yeux!

En 1953 j’ai eu la chance d’être parmi les premiers passagers du Gyrobus à Yverdon, en Suisse romande, un bus électrique qui se rechargeait lors des arrêts. Il n’avait pas de batteries, déjà difficiles à recycler à cette époque, mais un volant à inertie (disque d’acier) d’une tonne, tournant à 3000 tours-minute, entraîné par le moteur électrique activé lors des arrêts (photo de droite)
L’inertie accumulée par ce disque se ‘retransformait’ en courant électrique pour le moteur lors de la marche. Le fabriquant suisse Oerlikon avait un siècle d’avance sur la Renault Zoé… grosse consommatrice de batteries chinoises !
J’ai eu la chance d’assister à l’atterrissage et au décollage du génial Super Constellation, construit par Lockheed de 1943 à 1958.

J’ai aussi vu les premiers vols de la Caravelle (à bord de laquelle j’ai fait mon baptême de l’air en 1964)
J’ai eu la chance de conduire les vraies voitures populaires des années 50/60 : la Fiat Topolino, la célèbre 2 CV, la VW Coccinelle, la Renault 4 CV. Et mes deux premiers véhicules, une BMW 700 (moteur de moto) et une DKW Junior ( deux temps fumante). En 1956 j’ai vu la première Citroën DS 19 à Lausanne et en 1964 j’ai vu et entendu sur la ligne droite des Hunaudières, le bruit caractéristique de la Rover BRM à turbine (80’000 tours minute), pilotée aux 24 Heures du Mans par Graham Hill et Richie Ginther.
J’ai eu la chance de vivre en temps réel la sortie de quelques ‘nouveautés‘ de l’automobile : Le moteur transversal avant de la Mini, la ceinture de sécurité, les pneus radiaux (La 2 CV a été la première équipée en série de pneus Michelin X en 1948 !), le moteur rotatif Wankel, les freins à disques, la synchronisation du passage des vitesses, la démocratisation des boîtes automatiques que renient certains ‘fossiles’ de la conduite qui ‘aiment’ encore changer de vitesses… Ça fait paraît-il viril !
J’ai connu l’avènement de la direction et des freins assistés, les lève-glaces électriques, la clim, le verrouillage centralisé, la popularisation du 4×4, le GPS, l’ABS, l’ESB, la voiture hybride 100 fois plus intelligente que cette stupidité de voiture électrique, donc nucléaire en France…
Spectateur et téléspectateur enthousiaste j’ai vécu le tour du monde de Solar Impulse, la fabuleuse aventure de Bertrand Piccard et André Borschberg.

En 1958 j’ai vu dans le ciel valaisan le premier satellite Sputnik (On ne parlait pas encore du vaccin russe !). C’était lors d’une montée nocturne de Zinal à la Cabane Tracuit (à 3 256 mètres d’altitude) sur les pentes du Bishorn, le « 4000 des dames »
J’ai eu la chance de voir, dans la vitrine d’une pharmacie, la première TV. C’était en février 1956, sur un trottoir, par une douce soirée à moins 25° mais le cœur réchauffé par les médailles d’or de mes compatriotes Renée Colliard en slalom et Madeleine Berthot en descente aux J.O. de Cortina d’Ampezzo.
La nuit du 20 au 21 juillet 1969 j’ai eu la chance de voir sur un petit écran noir et blanc les premiers hommes à poser les pieds sur la lune. J’avoue qu’à l’époque mon anglais basique ne m’avait pas permis comprendre le sens de That’s one small step for man, one giant leap for mankind !
J’ai eu la chance de connaître intimement les 3 pilotes suisses vainqueurs de Grands Prix de Formule 1 : Joseph Siffert, Clay Regazzoni, Toulo De Graffenried et de partager quelques voyages, soirées et repas mémorables avec eux !
J’ai eu la chance de pédaler sur des bicyclettes de course en suivant le progrès : j’ai passé de 3 à 4 puis 5, 6, et 7 pignons arrière (je n’ai pas essayé les 11 pignons actuels ni les changements indexés, maintenant électriques !). J’ai connu les cadres en « tuyaux de chauffage » de mes vélos de gosse, puis les tubes Reynolds, Ishiwata de 3 dixièmes (les pros apprécieront) et enfin la fibre de carbone.
Le parapente a été inventé à Mieussy en Haute Savoie en 1978. J’ai effectué 30 grands vols dès 1986 avec la chance de ne pas avoir eu d’accident avec du ‘matos’ qui, vu avec les yeux du XXIème siècle, était à la limite du hors-jeu ! Je précise que cette évocation a intéressé une de mes voisines andalouse qui se remet de 21 opérations à la suite d’un crash en parapente bi-place.
J’ai eu la chance que mon père m’achète, j’avais 5 ans, mes premiers skis en bois, avec fixations Alpina à étriers et courroies… bien sûr sans arrêtes ni fixation du talon. Toujours grâce à l’enseignement de mon père j’ai appris à skier en Télémark, ce qui m’a valu, 30 années plus tard, de devenir chef de classe dans les cours de la Fédération Suisse de ski, pour l’enseignement de cette technique ancestrale, remise à la mode, aux profs de ski de Suisse allemande. Rien que ça…
J’ai vécu les débuts de l’informatique ‘domestique’, en 1984 déjà, avec mon premier Macintosh 128K. Puis la mode a passé à l’intelligence artificielle, mais je ne me sens pas concerné tant qu’on n’aura pas éradiqué la stupidité naturelle…
J’ai connu l’honnêteté… et c’était vraiment une chance : Avant l’ouverture du kiosque de la gare, le premier arrivé avant 05h30 sur le quai, coupait la ficelle du paquet de journaux qu’on venait de livrer, prenait son ‘canard’ et laissait la monnaie sur la pile. Les suivants faisaient de même, certains profitant de faire du change en laissant un billet de 10 ou 20 francs suisses et le gérant du kiosque trouvait toujours le compte exact à l’ouverture… bon, c’était avant les accords de Schengen !
J’ai eu la chance de pouvoir faire du vélo, du ski et même du scooter sans porter de casque. Imaginez qu’on traversait Genève sans rencontrer de feux rouges, le premier ayant été mis en service en 1958. Ah ! J’oubliais la liberté de gérer avec conscience sa vitesse sur des routes sans limitations et sa consommation d’alcool !
J’ai vécu la sortie du WEB, du LASER, de la mini-jupe (J’étais à Carnaby Street en 1964 !), le Velcro, l’imprimante 3D, le transistor, la pilule anticonceptionnelle, les chemises ‘zazou’ portées par-dessus le pantalon.
En 1964 j’ai roulé de Genève à Lausanne sur les premiers 60 km d’autoroute de Suisse alors que nos amis français n’avaient que les 9 km d’Avalon à Auxerre !
Je ne sais pas si ce fut une chance mais on ne peut pas oublier les découvertes comme le boson de Higgs, le génome humain et l’ADN.
J’ai connu toutes les découvertes de combustibles dits propres : l’énergie nucléaire, expérimentée dès 1951 dans l’Idaho aux USA (première centrale en France, celle du Bugey, en 1979), les centrales marémotrices, les cellules photovoltaïques, l’éolien, j’en oublie ? Vous remarquerez que je ne fais pas de commentaires sur les qualités, les défauts et les inconvénients de ces énergies dites ‘vertes’. Chacun est libre de ses convictions, idées et préférences.
Je suis heureux d’avoir suivi, à distance, la première greffe du coeur par le professeur Christian Barnard en 1967.
Et j’ai surtout eu la chance de vivre avant cette incongruité de téléphone mobile, la pire addiction à laquelle l’humanité ait succombé. Je vais me faire des amis mais j’affirme que cette addiction est une pandémie. Bon, on le saura… vivent les dinosaures !
Mais finalement ma vraie chance n’est-elle pas de ne pas avoir eu de malchance ? Et si la malchance n’était que le résultat de ne pas avoir su saisir sa chance au bon moment ?
Vous reprendrez bien une petite pensée de borgne depuis la Méditerranée, non?
« Il faut ouvrir l’œil et le bon ! » Moi, je ne fais que ça !
Signé Norbert Duvoisin, connu aussi sous le pseudo d’Akimismo!
Au commencement
Oui, vous avez bien lu, nous en sommes déjà à la 5ème publication de Une vie de borgne… mais j’ai oublié de commencer par le début. Ce serait pourtant la moindre des choses de parler des origines de mon histoire non?
Alors ‘flash back’ , ce qui méritera encore un 6ème chapitre!
Mon idée était de partager les vicissitudes et les contraintes d’une vie avec un seul œil valide. Une sacrée entreprise, qui pourrait aider des handicapés de la vue, mais aussi ceux touchés par d’autres « défauts de fabrication », les aider à affronter une existence déjà difficile sans problèmes physiques, leur prouvant qu’avec de la volonté, même un peu de hargne, on peut vivre ‘normalement’, même ‘plus que normalement’.
Le déclic ? Une amie m’a un jour demandé de parler à Léo, son fils, qui avait alors 9 ans, qui ne voyait que d’un œil, ce qui le perturbait psychologiquement. C’est maintenant un homme dont on vient de me dire qu’il avait fait des études brillantes, qu’il a réagi de manière positive à mon « sermon », voit la vie d’une autre manière, qu’il est devenu… ‘bin quoi’ normal ! C’est au moins une des motivations d’écrire ce texte.
Une autre raison est qu’il ne doit pas y avoir beaucoup d’oculistes borgnes pour raconter scientifiquement leur vécu. Ai-je le droit de disserter sur un sujet aussi délicat ? Vous me le direz !
Voici ce qui aurait dû être le chapitre premier de mon projet d’édition:
Au commencement…
… il s’agit des premiers mots de la Genèse, mais est-il convenant qu’un agnostique emprunte à la Bible le titre de ce chapitre? Vous jugerez !
C’est avec les tables que l’histoire a commencé. Les tables? oui, car c’est l’époque où je me cassais la figure contre celles de notre appartement. Sachant qu’une table standard mesure environ 75 cm de hauteur, il est facile d’imaginer la taille du gosse. Je devais avoir 4 ou 5 ans. Certitude : il y avait un problème avec ma vue. L’oculiste de famille travaillait avec les connaissances et les outils de l’époque. Les nanoparticules d’or découvertes au XXIème siècle ne promettaient pas encore d’améliorer le traitement des maladies oculaires. Notre ‘zyeutiste’ avait diagnostiqué un strabisme convergeant de l’œil droit, confirmant ce que mes parents savaient déjà.
Eh ! Irène… ton fils y louche !
Le strabisme et la méchanceté des gosses
A l’école, on m’avait demandé de disserter sur un fameux sujet de baccalauréat : L’homme nait bon, la société le corrompt. A 15 ans j’avais pris le contre-pied de cette affirmation, m’inscrivant en faux contre Jean-Jacques Rousseau. Soixante cinq ans plus tard je maintiens que la race humaine est intrinsèquement mauvaise, agressive, égoïste et souvent dangereuse par fierté, rancoeur et jalousie. Les améliorations ne peuvent venir que de l’éducation.
La télévision balbutiait, l’ordinateur personnel et le téléphone portable n’existaient pas et les ruraux lisaient peu. Donc la méchanceté de mes camarades ne pouvait venir que d’eux mêmes ou de ce qu’ils entendaient dans leur entourage. Triste constatation !
Je revois parfois un homochrone (*) qui a une crise d’amnésie quand je lui rappelle qu’il nommait « La jambe » un écolier ‘traînant-la-patte’, séquelles de la poliomyélite, et qu’il me nommait « L’œil ». Authentique, même s’il dit ne pas se souvenir de cette méchanceté. Moi, je n’ai pas oublié!
(*) Une petite digression pédante : Homochrone vous interpelle mais comment parler d’une personne née la même année que vous ? Un mot permet d’exprimer cette notion : contemporain, mais il s’agit d’un usage ancien et de plus contemporain signifie « de la même époque » donc pas forcément de la même année. Oui je sais que je renie mes origines car contemporain est utilisé dans le bassin lémanique pour parler de conscrit, mais je n’ai pas fait de service militaire et le terme m’indispose. « Né la même année que moi » vous convient-il mieux ? Tiens ! Saviez-vous que les borgnes étaient pinailleurs ?
‘Loucheur’ de constitution cachectique, je suivais mes classes avec une année scolaire d’avance. Imaginez un ‘maigrichon’ aux prises avec des élèves issus de la campagne profonde, ayant redoublé une ou plusieurs années, des paysans baraqués de 14 ou 15 ans dans la même classe qu’un fluet de 11 ans assez doué ? Je ne pense pas utile de vous parler de mes souffrances à la récréation !
Ah voilà le loucheur !
Ne tape pas où tu regardes
T’as un œil qui dit merde à l’autre
A qui tu parles? (me disaient mes interlocuteurs en détournant la tête, pensant que je m’adressais à un autre)
Eh le bicle !
Jusqu’où s’arrêteront-ils, aurait dit Coluche
J’ai vécu l’abject et après des années de malaise, de quolibets, d’affronts, de vexations, vint la période de la puberté et des attirances sexuelles, féminines dans mon cas! Je me suis alors construit une stratégie de défense et de protection encore d’actualité: S’agissant de l’œil droit qui ‘tirait’ à gauche vers le nez, je me suis imposé une systématique : Toujours me positionner à gauche de mes interlocuteurs (surtout interlocutrices) afin de forcer l’œil droit à regarder plus à droite, vers l’extérieur. Pour les réservations de places au théâtre, au cinéma et le choix des sièges au restaurant, je parviens presque toujours à m’installer à gauche de tout le monde ! A noter qu’une cinquantaine d’années ont suffi à stabiliser la situation car, en forçant mon œil à regarder plus à droite, mon anomalie n’a pas disparu mais a très fortement diminué. Pour moi, c’est avéré mais je serais heureux d’avoir l’avis d’un ophtalmologue sur la pertinence de cette affirmation: En passant toute une vie à forcer l’œil « qui dit merde à l’autre » à diverger de son collègue de gauche pour voir dans la même direction, il me semble que mon strabisme a diminué de manière significative.
Que dit la faculté ? Cette réparation est-elle due à mon travail acharné de tous les jours, une conséquence de l’âge, ou de l’autosuggestion ? Merci Mesdames de me le dire à notre prochaine rencontre…
Comme promis, il y aura une suite à cette genèse!
Vous reprendrez bien une petite pensée, non? Vous êtes si sympas d’accepter que je vous fais une offre: 4 pensées avec commentaires personnels pour le prix d’une. D’accord?
L’œil du maître
Borgne et patron d’entreprise, cette expression me concernait… à double titre !
Ne dormir que d’un œil
Toute ma vie j’ai dormi plus de 10 heures par nuit mais j’ai choisi le bon oeil !
Œil pour œil dent pour dent
Mais je n’échangerais pas mon œil valide contre une molaire de mon adversaire !Les commentaires en rouge sont de moi… vous vous en étiez douté hein?
Second chapitre de la genèse de mon handicap
La révélation
Mes parents avaient des revenus plus que modestes et les assurances sociales n’existaient pas. Simple bûcheron mon père faisait pourtant partie d’une loge maçonnique, mais il ne m’a jamais dit ce qu’il était allé chercher ou trouver dans cette société, alors plus secrète que de nos jours. Point positif, un ‘vénérable frère’ était professeur d’ophtalmologie à l’Université de Genève. C’est donc à 5 ou 6 ans lors d’une consultation, paraît-il à prix d’ami mais tout de même fort couteuse, chez cette pointure en blouse blanche que j’ai appris la vérité qui devait conditionner toute mon existence : j’étais borgne, un mot que je ne connaissais pas.
Je souffrais (et souffre encore !) d’une malformation congénitale du nerf optique.
Le suivi de mon cas (en vérité il n’y avait rien à suivre !) incomba à notre oculiste de famille, qui pratiquait le peu qu’il savait faire, prescrivant par exemple un bandeau occulteur sur l’œil valide afin de forcer ‘l’autre fainéant’ à travailler. Ce traitement moyenâgeux fût aussi inefficace que traumatisant pour moi, ajoutant encore de la confusion à mes mouvements et des chocs contre les tables !
Il croyait peut-être à un miracle cosmique… mais surtout il n’avait rien compris à cette malformation du nerf optique. Il pensait soigner la faiblesse d’un œil qui louche (strabisme) et que le corps met parfois hors service : on parle alors d’amblyopie. A part le diagnostic du professeur genevois, personne n’avait fait le rapport entre mon strabisme et la borgnitude, même pas le fameux Hôpital Jules Gonin de Lausanne dont je vous ai déjà parlé. On ne saura jamais s’il y a une relation de cause à effet entre ce court-circuit dans la ‘câblerie nerveuse’ et la ‘divergence’ de parallélisme de mes yeux.
La conséquence la plus visible du strabisme est esthétique, mais elle a eu le mérite de révéler ma borgnitude, amblyopie ou non !
Vivre, boire et manger avec un seul œil, c’est compliqué !
Une vision monoculaire sous-entend une vie de lutte sans relâche ni répits. Une attention permanente, une débauche de montées d’adrénaline, de peurs et de questions.
Hors de son lit un borgne ne peut jamais se permettre une seconde d’inattention, subissant stress et agressions permanents.
Avant de descendre d’un trottoir sur la chaussée, avant de se lancer dans une pente à skis, en quittant un stop au volant et surtout avant d’entrer dans une demeure inconnue, je dois toujours scruter la pièce ou le terrain en pratiquant ma fameuse ‘pseudo parallaxe’ par hochement latéral de la tête, pour analyser les divers plans et avoir une idée à peu près satisfaisante de l’inconnu que représente chaque pas.
Toute situation nouvelle est hostile. Entrer dans un espace inconnu engendre une quasi ‘paralysie’ si je ne peux pas utiliser mes deux mains, presque à l’image d’un aveugle, pour une gestion tactile des mouvements. En essayant toujours de le faire discrètement je ‘laisse traîner mes paluches’, effleurant chaque meuble, chaque chaise, chaque paroi… parfois, sans le vouloir mais sans en souffrir (!), effleurer aussi certaines rotondités féminines !
Et les plaisirs de la table ? Assis, il m’est impossible de remplir, même mon propre verre, d’où l’obligation de me lever. Là encore l’opération se termine presque toujours en catastrophe ! Je dois ‘localiser tactilement’ le verre avec une main et de l’autre commencer à verser en mettant en contact le récipient avec le goulot de la bouteille, puis en levant cette dernière… presque toujours au détriment de la propreté des nappes.
Vous comprendrez que j’essaie de ne jamais servir mes invités et je saisis n’importe quel prétexte pour qu’ils le fassent eux-mêmes, car je refuse que ma maladresse déclasse un grand cru en… de vin de ‘table’ ordinaire !
A la fin du repas c’est la délivrance, car je peux reculer ma chaise, m’installer en biais, une habitude pas très correcte mais indispensable à un bavard d’après repas, habitué à utiliser ses mains à la mode italienne. Le nom du cyclope Polyphème, fils de Poséidon signifie : « abondant en paroles ». Pourrait-on dire que n’avoir qu’un oeil prédispose mythologiquement à être bavard ?
Reculer ma chaise me permet de sortir de mon stress récurent à table. Je peux enfin poser un coude sur la nappe (Ô ma chèèèère quelle tenue !) à titre de point d’appui et de repère physique, à partir duquel je peux apprécier la localisation de tout ce qui constitue l’après repas, pour prendre en main mon verre sans aucun effort de concentration, une véritable délivrance quoi !
A votre bonne santé…
Pour le dessert, vous reprendrez bien une petite pensée, non ?
Entre quat’z yeux !
Situation très improbable pour moi, a moins de rencontrer un ‘trivoyant’
Vous avez dit handicapé ?
S’agissant de la borgnitude, j’emploie souvent le mot handicapé mais, au fait, qu’est-ce qu’un handicap ? On pense tout de suite à para ou hémiplégique mais il peut s’agir aussi d’une simple claudication, d’une gêne physique, une ouïe ou une vue diminuée. C’est un sujet très délicat que je laisse à votre appréciation.
A la fin des années 50, l’équipe de scouts dont j’étais responsable était ‘marraine’ d’une troupe EMT (Éclaireurs Malgré Tout). Ils étaient pensionnaires d’une institution pour sourds (*). J’ai donc eu à plusieurs reprises la chance de leur rendre visite et de les voir essayer d’apprendre à parler malgré leur surdité. Au milieu du siècle passé, les moyens étaient aussi archaïques que ceux que je connaissais en matière de traitement des yeux. Nos petits handicapés étaient assis devant un miroir et tentaient de produire des sons à travers la flamme d’une bougie. Le vacillement de cette flamme leur donnait la notion de puissance du souffle. Leur assiduité était impressionnante mais les résultats n’avaient rien d’exceptionnel ! Et pourtant, si vous aviez vu leur enthousiasme et leur bonheur…
(*) L’expression SOURD-MUET est une incongruité. On est sourd parce qu’on n’entend pas et le mutisme n’est que la conséquence de la surdité. Ne pas confondre muet avec aphone. La messe est dite. J’ai eu l’occasion de côtoyer des sourds qui parlaient, bien sûr pas avec l’éloquence d’un ministre, mais qui parlaient. C’est d’autant plus facile actuellement avec les progrès électroniques, informatiques et didactiques de permettre à des sourds d’échapper à cette stupide appellation de sourds-muets.
Un enfant très diminué physiquement m’a un jour donné ‘sa’ version du handicap. Lisez ou relisez un texte que j’ai publié en 2017 sur ce blog, donc un « Best of »
Borgne mais tout de même pilote de montgolfière pendant quelques années, je participais à la célèbre semaine des ballons de Château d’Oex. Un jour que les conditions météo n’étaient pas très bonnes pour décoller, notre commanditaire (maintenant on dirait ‘sponsor’) nous avait demandé de faire du captif pour des gosses handicapés. Un ‘captif’ consiste à gonfler le ballon, le retenir avec 3 cordes de 60 mètres et faire des « ascensions » d’une quarantaine de mètres. Une attraction de fête foraine quoi !
L’aérostat étant prêt, je m’intéresse aux gosses. Et là c’est un choc… Tous en chaise. Leur état ? Tous très très… non je me refuse à trouver un qualificatif, c’est un souvenir trop bouleversant.
C’est Michel, mon collègue pilote, qui est aux commandes. On embarque une infirmière et, profitant de ma bonne condition physique, j’officie comme chargeur, empoignant chaque enfant pour l’extraire de sa chaise et à bout de bras je le passe à l’infirmière dans la nacelle, où on avait installé un siège car vous pensez bien que nos petits passagers ne pouvaient pas se tenir debout, même pour les quelques minutes que durait l’ascension. Que de joie j’ai lu dans leurs yeux !
La suite ? Comme on le dit au basketball : ‘Arbitre, je demande un temps mort’, car devant mon clavier, me remémorant cette histoire d’il y a près de 30 ans, j’en ai encore les larmes aux yeux…
Vous savez que je porte les traces d’un strabisme convergeant, oui je louche un peu, merde… Mais, coquetterie masculine aidant, je présente toujours mon ‘bon profil’ et il faut être futé pour déceler ce ‘défaut de fabrication’ au premier coup d’œil, surtout avec mes lunettes de haute montagne très foncées.
Et pourtant…
Pendant l’une des ascensions navettes du ballon, je m’installe sur une chaise près des enfants. L’un d’eux me toise et me pose une question que j’ai de la peine à comprendre tant son élocution est à l’image de son état physique… « T’as quoi à l’oeil ?» « Rien !» « Mais… t’as quelque chose à l’oeil !» répète avec insistance mon interlocuteur.
Je lui avoue être borgne.
Vous attendez une chute à cette histoire ? Tenez-vous bien et écoutez ce gosse, me dire, dans un immense éclat de rire satisfait :
« Ah Ah ! Alors t’es handicapé… comme moi !»
Vous reprendrez bien une petite pensée, non?
Cela coûte les yeux de la tête !
Cette expression viendrait de l’espagnol « cuesta un ojo de la cara » (ça coûte un œil de la figure) alors qu’en 1524, au Pérou, Diego de Almagro venait de recevoir dans son oeil la flèche d’un Indien… et s’en plaignait !
Interlude au Brenner
Bienvenue à mes nouveaux lecteurs (en provenance de Facebook ?). Pour les fidèles du début, merci de me supporter ! Tiens, savez-vous qu’on peut ‘supporter’ quelqu’un de deux manières : to support someone, à l’anglaise, donc en l’aidant et le soutenant (chuis un suportère du PSG), ou à la française, en le tolérant !
Je vous propose un peu de repos avec ‘Interlude’, une chronique qui sera intermittente et digressive, avec des épisodes de ma vie qui n’ont pas de rapports directs avec mon handicap, quoi que… vous devez savoir qu’un sujet avec des ennuis physique est souvent révolté contre le système, les autorités en général et l’administration en particulier, même parfois avec un peu d’agressivité (!), conséquence d’avoir dû avaler trop de couleuvres dans notre vie.
Voici donc: Interlude au Brenner
J’ai souvent eu des arguments avec les douaniers qui sont, comme les gendarmes et le pape, des humains, donc faillibles. Je me suis parfois défoulé pour mettre à mal leurs prérogatives, comme lors de cette histoire au passage du Brenner, à la frontière italo-autrichienne.
Cet un extrait des mémoires d’un directeur d’écurie de course automobile qui a été publié dans mon blog Au temps des automobilistes
https://histoiresdautomobilesetdemotocyclettes.com

Vous me reconnaissez ? Le ‘jeune homme’ à moustache en veston, directeur sportif de la Scuderia Filipinetti, présente la Ferrari 365 GTB4, la fameuse Daytona carrosserie alu, aux vérifications techniques des 24 Heures du Mans 1972. J’ai conduit cette voiture de 440 CV, construite à seulement 5 exemplaires, de Nice à Genève dépassant souvent les 300 km/h. Peu de borgnes peuvent en dire autant !
La course se déroulait sur le circuit du Salzburgring. Je dormais déjà dans la ville de Mozart. Minuit, téléphone ! Les mécaniciens italiens de mon équipe, qui ne parlent pas un mot d’allemand, sont bloqués à la douane du Brenner et je dois faire 120 km à des vitesses que la morale et la loi réprouvent, afin de dénouer ce sac de nœuds.
Georges Filipinetti, mon patron, exigeait que toutes ses voitures de course, de la simple Tourisme à la Formule 1, soient immatriculées, mais il y avait parfois des surprises, comme dans cette histoire, avec un gabelou connaissant parfaitement son sujet qui, règlement à l’appui, nous a appris qu’à cette époque une voiture, qu’elle fût de course ou de route, sur une remorque, devait avoir un passavant ou un triptyque. Si elle était immatriculée, elle pouvait passer sans ces documents douaniers, mais sur ses roues ! Point final. Au vu de l’esprit borné des cerbères autrichiens, j’ai fait en sorte que la farce tourne franchement au vaudeville et j’en ris encore.
« Donc les deux voitures, des Fiat 128 Groupe 2, de plus de 160 CV, échappement libre, doivent passer sur la route ? » « Jawohl! » « Kein Problem ! »

Nous déchargeons les deux bolides, puis un mécanicien au volant de l’une et votre serviteur, trop ravi de l’aubaine dans l’autre, mettons les moteurs en marche. J’avoue que je me prenais alors pour Juan Manuel Fangio, Jackie Stewart et même pour le bébé qui allait se faire connaître plus tard sous le nom de Michael Schumacher.
MOTEUR ! Le Salzkammergut et le St. Wolfgang See tremblent, l’Auberge du Cheval Blanc se lézarde ! C’est un enfer nocturne et nous entendons à peine le douanier qui hurle :
« Ça suffit… Ces voitures ne sont pas conformes !»
« Si, si, vous voyez bien qu’elles sont immatriculées, avec carte grise, donc ‘légales’, et c’est même pourquoi vous nous les avez fait décharger !»
« Mais passez donc cette frontière et qu’on en termine avec ce vacarme !»
« Désolé, mais ce genre de moteur doit être chauffé avant de fonctionner sans dommage pour la mécanique, un peu comme si vous ne faisiez pas les indispensables préliminaires avant vos relations avec Brunhilde votre épouse !»
Trois minutes infernales plus tard :
« Bon les gars, à fond les gaz ! »
Sur ce genre de machines, pas question de chercher le point de friction de l’embrayage comme on vous l’a enseigné à l’auto-école car il cramerait. Il faut coller les disques en lâchant la pédale d’un coup, avec le compte tours à 7000 tours/minutes. Le départ d’Italie s’effectue dans un tintamarre digne de la chevauchée des Walkyries, avec nuage de fumée, odeur d’huile chauffée et de pneus brûlés. Nous accélérons en un burning parfait pour planter les freins 50 mètres plus loin… en Autriche ! La douane est passée légalement, et nous rechargeons les voitures, saluons les hommes de la loi, heureux de voir s’achever ce charivari wagnérien et je prends la direction de Salzburg pour terminer la nuit, bercé par Die Kleine Nachtmusik, Koechel 130. Koechel 130 ? Oui, 130 décibels !
Ach wie schön sind die Träume! Gute Nacht! Vroum Vroum Vroum…
Vous reprendrez bien une petite pensée non ?
Voir les choses d’un bon œil, d’un mauvais œil
Chez moi qu’il soit bon ou mauvais… c’est le même !
Un autre « Best of », avec mes affectueuses excuses à ceux qui l’ont déjà lu ici en 2018, sous le titre de La Bête Humaine ou Le Mécano de la ‘Générale’ (*) et qui peuvent penser que je radote. Du reste, c’est peut-être le cas ! En fait, cette réédition devait être un chapitre du livre que je ne publierai pas. Elle est donc surtout destinée à mes nouveaux lecteurs!
La passion d’une vie !
J’avais presque 5 ans. Notre village était desservi par un chemin de fer à vapeur et j’étais fasciné par la belle machine fumante qui haletait (Tchou tchiiiiiiiiie… Tchou tchiiiiiiiiie…) en attendant le départ, surtout que souvent le mécanicien me soulevait à bout de bras, et me faisait entrer dans le poste de conduite. « Quand je serai grand je serai conducteur de locomotive ». Les années passaient et ma passion ne faiblissait pas, mais j’ai appris que …
… borgne, je ne pourrai jamais conduire de train!
Ce fut une des grandes désillusions de ma vie: Donc adieu Eb 2/4, la locomotive à vapeur de mon enfance, ci-dessous


et adieu aussi à la mythique « Ce 6/8 III » la ‘crocodile’ de la ligne su Gothard
J’ai toujours eu les yeux humides en voyant entrer en gare les locomotives couvertes de glace, racontant des traversées alpines apocalyptiques, des expéditions dantesques en Extrême Orient, des tempêtes lointaines, et moi ressassant avec amertume que je ne serai jamais assis aux commandes de ces merveilles !
Un jour un ami, mécanicien aux Chemins de Fer Fédéraux helvétiques, connaissant ma passion refoulée, me propose le rêve impossible :
« Je vais convoyer un train supplémentaire de Berne à Lausanne. Veux-tu m’accompagner ? »
Je suis sûr que vous n’imaginez pas ma réponse !
Je réalise la première partie de mon rêve depuis Berne sur le siège de droite et, pendant les 3 minutes d’arrêt à Fribourg mon pote me propose de m’asseoir à la place du conducteur « juste pour la sensation ». Le feu passant au vert, il m’apostrophe :
« Qu’est-ce que t’attends pour démarrer. Allez vas-y bon dieu, le chef de gare va penser que je me suis endormi ! »
Je presse la ‘pédale du mort’ avec mes pieds et actionne la commande manuelle à impulsions, clac ! clac ! clac ! pour ‘mettre des touches’, comme on qualifie la procédure d’accélération. Les 6500 chevaux de la ‘Re 4×4 II’ poussent très fort. « Fais gaffe t’es sur un secteur à 100 km/h ! » Je diminue la vitesse. Puis, au début d’une légère montée à 120 km/h ‘ma’ machine ralentit. « Il aurait fallu remettre des touches plus tôt ! » Ayant souvent piloté des voitures très puissantes j’applique ma vieille habitude : « à fond les manettes !».
Vu mon manque de sensibilité en mettant trop de watts ou d’ampères d’un coup, le système de sécurité déclenche le ‘schmilblick’, provoquant une disjonction bruyante semblable à un coup de tonnerre. Mon convoi ralentit, ralentit… et mon ami m’informe qu’il faut laisser le train s’arrêter avant de recommencer à accélérer : Touches 1… 2… 3… 4… etc. J’entends alors un commentaire ironique : « Si à la prochaine révision ils avaient l’idée de consulter la « boîte » noire, ils risquent d’avoir une crise d’éternuement ! ».
J’ajoute qu’ils auraient aussi fait une attaque d’apoplexie, sachant qu’un borgne était à la manœuvre !
Reprenant un ton professionnel sérieux mon pilote précise :
« Bon, je reprends les commandes car à la sortie du tunnel de Chexbres nous abordons la descente vers le Bassin lémanique et il ne faudrait pas faire de connerie dans ce toboggan avec un convoi de 64 essieux et 680 tonnes « au cul » (Selon l’expression consacrée !).
En gare de Lausanne il m’invite encore à l’accompagner au dépôt « décrocher la ‘composition’ pour le lavage des wagons ! »
Le dessert ? Les trois kilomètres de retour à la gare principale avec la locomotive solo. J’ai droit à une démo que peu ont eu le privilège de ressentir : Hilare mon facétieux pote libère, volontairement et d’un coup, les 6500 chevaux de la Re 4/4 II produisant une gerbe d’étincelles sur les voies. Whaouhhh ! Même dans la Ferrari 512 F avec le pilote de formule 1 Mike Parkes à Monza je ne crois pas avoir ressenti un tel « coup de pied au cul » à l’accélération.
Merci à mon ami Jean-Paul pour cette fabuleuse expérience qui date de plus de 30 ans mais restera dans ma mémoire !


(*) Une précision pour terminer : La version originale du film de Buster Keaton est « The General » du nom de la locomotive, ‘féminisé’ et ‘francisé’ en « Générale » Bon ! General ou Générale je vous conseille vivement de consacrer une heure 18 minutes et 52 secondes à regarder ce chef d’œuvre du cinéma ‘muet’ de 1926. Eh oui 1926…
https://youtu.be/x3HioYRd0Ck
Un borgne peut-il skier, conduire et même piloter ?
Vaste question pour cet article qui est le 300ème de ma logorrhée sur ce blog. Bonne occasion de boire un coup à votre santé et à la mienne, bien sûr !
Je suis le premier surpris de tout ce que j’ai pu faire, conduire et piloter avec un seul œil.
Mais si vous saviez la somme de remises en question, de doutes, d’analyses permanentes et de concentration que ça m’a couté…
Etre borgne prédispose à de la prise de conscience et beaucoup d’attention. Vous allez me traiter de prétentieux mais moi je vous trouve insouciants quand je vous vois conduire et vous me faites peur! Nous y reviendrons.
Commençons par le ski, un domaine que je connais bien pour avoir été instructeur fédéral dans mon pays. J’ai enseigné le ski alpin et le ski de fond puis, expert en télémark, je fus chef de classe pour l’enseignement de cette technique ancestrale, remise à la mode dans les années 80, à des profs de ski de toute la Suisse.
Lançons-nous dans une descente en plein brouillard, à la Combe d’Audon aux Diablerets dans les Alpes vaudoises, une ‘Piste noire’ non officielle à l’époque, donc bien sûr pas damée, partant de 2971 m. d’altitude, longue de 8 km avec 1300 m. de dénivelé, recouverte d’un mélange de neige d’avril en fin de matinée et de ‘carton’ dans les zones non encore réchauffées par le soleil.
J’avais relevé mon bonnet pour dégager les oreilles, une attitude courante chez moi pour me concentrer, écouter, observer et éviter les pièges de cette descente… et il y en avait ! C’est alors qu’un copain (normal, deux yeux !) me fait un commentaire à la ‘con’ sur mon attitude. Je lui dis, très énervé, de ‘la fermer’ car je skie à l’oreille ! Cet abruti a éclaté de rire, communiquant ma remarque aux autres, amplifiant encore les rires, les quolibets et les sarcasmes.
J’aurais souhaité à ces cuistres de perdre un œil pour apprécier le pilotage à l’oreille… Du reste, cet événement est une des raisons qui ont motivé l’écriture de ce texte !
Dommage que ces persifleurs n’aient jamais testé mes aptitudes à conduire dans le brouillard, à des vitesses qui ont toujours bluffé mes passagers. C’est quoi le brouillard ?
En 1968 (oui encore des histoires du front !) j’ai traduit en français « Motor racing in safety » de Michael Henderson. Sa vision du pilotage est devenue obsolète à part une réflexion : Les voitures de course se pilotent plus avec les fesses qu’avec les yeux. C’est du reste pourquoi les sièges baquets sont moulés sans capitonnage, pour s’ajuster parfaitement à l’anatomie du pilote. J’avais lu un hommage à Niki Lauda, précisant que le triple champion du monde autrichien « avait un cul privilégié » et que c’est grâce à l’épiderme de cette partie ‘sensible’ de son corps qu’il détectait avant tout le monde n’importe quel comportement dynamique de sa voiture.
Dans mon cas, pour être plus sûr au volant je vous l’ai déjà dit, j’utilise aussi les oreilles qui, comme les fesses, sont des moyens de perception des vibrations du véhicule, du comportement des pneus sur la route, bref des ‘sensors’ peu connus, que la nature nous offre. Sans oublier l’appui du genou contre la portière, autre sensor dont on ne vous a pas parlé à l’auto-école ! Vous comprendrez qu’en roulant je n’allume jamais la radio et, quand la route devient difficile, j’entrouvre ma glace pour percevoir l’ambiance sonore extérieure.
Si les binoculaires s’inspiraient de ma manière de fonctionner, il y aurait moins de morts sur les routes et les limitations de vitesse s’avéreraient parfaitement inutiles. Commençons par apprendre à conduire en étudiant les forces dynamiques, interdisons les radios, GPS, téléphones, même ceux dit mains libres, et toutes les stupidités relatives à la voiture connectée.

Remettons l’humain à sa place et prenons conscience que les auto écoles font fausse route. Acceptons de ne pas être Max Verstappen ou Fernando Alonso, dont la virtuosité au volant et la maîtrise des diverses commandes sont la conséquence de centaines et de centaines d’heures de compétition et d’entraînement sur simulateur. Que je sache je ne suis pas, vous n’êtes pas, nous ne sommes pas pilotes de Formule 1, donc nous ne jouons pas dans la même catégorie qu’eux !
Je sais que ces prises de position ne plairont pas tout le monde… ce qui ne m’empêchera pas de donner une suite à ce pamphlet ! Vous ne perdez rien pour attendre…
Suite de mon analyse des dysfonctionnements dans l’apprentissage de la conduite, et plaidoyer pour changer notre comportement au volant.
Le borgne que je suis, confronté à chaque instant aux dangers de la route, est choqué de constater vos souvent dangereux comportements en bagnole.
Il faut modifier les conditions d’obtention du permis de conduire, car trop de conducteurs (trices) dûment accrédités par les services officiels, que j’ai suivis, croisés, observés, n’ont tout simplement rien à faire sur les routes… et devraient renoncer à conduire !
Je vous ai vu en grande conversation avec vos passagers, téléphoner, consulter l’écran de votre GPS, écouter de la musique et la radio, allumer une cigarette et fumer au volant. Je vous ai vu… oui, certains ‘pianotent’ même sur leur smartphone en conduisant !
Dans les bus publics on interdit de parler au conducteur pendant la marche.

Si un chauffeur professionnel ne peut pas répondre à ses passagers, comment les automobilistes ‘lambda’, souvent sporadiques conducteurs du dimanche, seraient-ils à même de le faire ?
La réponse est dans la question.
Pourquoi n’enseigne-t-on pas la maîtrise des forces dynamiques ou statiques ? Elles conditionnent pourtant le comportement des voitures : l’aérodynamie et l’adhérence sont les composantes de la résistance, l’inertie conditionne l’accélération et le freinage, les forces centripète et centrifuge, la gravité, le transfert des masses, le sous-virage, le survirage…
Vous en a-t-on parlé à l’auto-école ? Vous a-t-on interrogé à l’examen ?
On peut, à basse vitesse et sans risques, recréer toutes ces sensations avec un ‘sliding pad’, une piste revêtue de ‘basaltine’, un matériau qui, mouillé, a un coefficient d’adhérence proche de celui de la glace. Tout automobiliste qui n’a pas vécu une glissade, un sou- ou survirage sur sol humide ou gelé… ne connait ni ses réactions ni celles de sa voiture et devrait suivre régulièrement des cours de formation pratique. J’admets que ce dernier point devrait être géré par les gouvernements et ceux qui décident de l’attribution du permis. Ce n’est pas interdit de rêver non ?
Apprendre aux candidats au permis à faire un créneau de stationnement en ville et conduire en ligne droite ne sert strictement à rien, donc pas besoin d’enseignants professionnels pour apprendre à maîtriser ces exercices !
Les voitures sont de plus en plus confortables et occultent toute sensation dynamique, les ‘aides à la conduite’ gomment les signaux d’alerte et incitent à se croire immunisés contre les pièges de la route.
On jette un coup d’œil ? Voici un tout petit extrait :
ABS Si vous ne l’avez pas vous en avez entendu parler non ?
AFIL Alerte de Franchissement Involontaire de la Ligne. Tiens, pour une fois un acronyme est en français !
DDS Système d’alerte de dégonflement d’un pneu (on ne nous dit pas si le regonflage automatique est en option !)
ESP Correcteur électronique de pression du freinage. Il doit d’agir d’un progrès pour ceux qui continuent à conduire avec leurs souliers de ski !
GPS Bidule dont l’usage est maintenant généralisé, qui vous empêche d’évoquer de fallacieuses excuses si vous arrivez en retard à un rendez-vous
HAC Une assistance au démarrage en côte
PCS Pré-crash System
Il s’agit d’une sorte de radar qui vous remplace alors que vous êtes en pleine discussion avec vos passagers, ou en train de refaire le monde au moyen de votre téléphone portable tout en caressant le genou de votre passagère !
DSC On parle ici du Contrôle Dynamique de Stabilité qui implique tous les systèmes de régulation placés en amont tels que l’ABS. Je cite, attention c’est du lourd : Contrôle les mouvements du volant, la vitesse, l’accélération transversale et les mouvements latéraux et détecte la moindre tendance au dérapage du véhicule.
« Toi y en n’a pas compris ? » Moi non plus… demandons donc aux modérateurs de WordPress de promouvoir le Paracétamol !
Je dis qu’on devrait interdire l’usage du téléphone au volant, même celui dit ‘mains libres’. Car si les mains restent libres, quid de la vigilance du cerveau?
Tous les appels peuvent attendre votre arrivée à destination ou votre prochaine pause-café. Ceux réellement urgents supportent les quelques secondes nécessaires pour s’arrêter en bord de route.
Et ne me dites pas que les constructeurs de voitures n’ont pas les moyens de placer un système inhibiteur de couverture hertzienne pendant la marche ? Quant à la musique ‘à donf’ je ne crois pas utile de vous faire part de mes convictions…
Je n’ose pas imaginer l’avenir, avec les voitures ‘connectées’. C’en est trop et on ferait mieux d’augmenter les recherches sur l’intelligence artificielle et les études sur les véhicules autonomes.
Je me demande si le conducteur sert encore à quelque chose dans la voiture actuelle… à part causer des risques supplémentaires !
Du reste, il n’y a pas que dans l’automobile que le conducteur a perdu sa raison d’être. Je viens de rencontrer un ami commandant de bord retraité. « Alors le pilotage ne vous manque pas ? N’avez-vous pas envie, comme d’autres pilotes de ligne à la retraite, de vous faire plaisir aux commandes d’un petit avion ?
Réponse édifiante :
« Piloter ? Vous rigolez… à la fin de ma carrière nous étions juste devenus des « opérateurs de vol »
A méditer !
Vous avez aimé Interlude au Brenner le 12 octobre ? Alors voici une nouvelle digression, pour prendre un peu de recul avec le récit de Ma vie de borgne.
Il y a quelques années, Amélie avait publié sur son blog la vidéo d’une truie ‘artiste’. Voici le lien :
https://youtu.be/z2KAVeNPT4o
Dans la même veine, un tableau à ‘dix balles’ de chez Ikea, a fait grand effet auprès d’amateurs au musée d’Art Moderne de Arnhem aux Pays-Bas. Ce tableau, signé par un certain « IKE Andrews », a suscité des critiques dithyrambiques des ‘connaisseurs’.
Voici mon histoire… de l’art, des années 64 ou 65, sais plus ! (Je précise qu’il s’agit encore d’un « Best of » de mon blog).
Avis : Ce texte n’est pas politiquement correct et il pourrait choquer votre morale. Alors vous êtes prévenus…
Interlude 2 avec Vaslav
Avec des collègues de la maison d’édition dans laquelle je travaillais, nous avions organisé une sortie en bateau vers Nernier (Haute Savoie). Soirée filets de perches du Léman, bien sûr !
Vaslav, un des collègues participant à la sortie, fils du fameux musicien Igor M. ressemblait paraît-il à son célèbre père.
Dans le restaurant, une jolie femme ne cesse de le mater puis, n’y tenant plus, s’approche de notre équipe bruyante et reçoit la confirmation de l’identité du fils de…
Elle ne se fait pas prier pour se joindre à nous, puis nous invite à « prendre le dernier » chez elle, dans une très belle maison villageoise cossue. Elle est l’épouse d’un peintre coté, qui était en voyage, ceci expliquant cela, vous le verrez ! Elle nous fait l’honneur de son bar et les 5 ou 6 ‘machos’ de notre équipe ont tous, je dis bien tous, l’œil égrillard pour notre mignonne ‘amphitryone’ mais c’est, vous l’aviez deviné, le fils du musicien qui avait ‘enlevé le morceau’ si vous me passez cette triviale expression. Pendant leurs ébats, nous passons dans l’atelier du peintre, et c’est là que la ‘merde s’installe’… Vous persistez à lire la suite? Bon, mais vous êtes prévenus!
Deux collègues graphistes proposent d’exprimer leur talent en attendant le retour des libidineux. Un drap de 2 x 2.40 mètres est posé sur le sol. Après quelques légers coups de pinceau sur le drap, les autres ‘fêtards’ participent à la confection du chef d’œuvre avec des pinceaux toujours plus gros. Conséquence des effets de certains liquides maltés et fermentés, le tableau prend des allures beaucoup moins raffinées, à l’image des scélérats qui finissent par renverser directement la peinture sur le drap, à pieds nus dans la barbouille. Et le ‘happening’ se transforme en orgie, la bacchanale se terminant en slip. La peinture c’est glissant et notre ballet coloré continue à plat ventre ou sur le dos. Puis nous abandonnons l’art et les caleçons pour un bain de minuit dans le Léman à 50 mètres de là, ce qui nous dégrise un peu. Retour à la maison du peintre. Notre couple improvisé en a terminé avec ses effusions et cette brave dame découvre l’étendue du désastre : personne n’a bien sûr pensé à mettre une alaise sous le drap et quand nous le retirons, nous avons l’original et sa copie par capillarité sur le sol en pavés anciens. Aïe !
De retour, deux jours plus tard, le peintre n’a pas pu effacer la peinture au sol, et sa mignonne épouse s’est retrouvée à la rue, définitivement, ce qui me fût confirmé par sa fille rencontrée 20 ans plus tard dans d’autres circonstances.
Nous éclusions « le dernier pour la route » sur la place du village avec bien sûr l’œuvre d’art au sol, finissant de sécher. Et c’est là que notre histoire a une similitude avec les visiteurs du musée de Arnhem, qui se pâmaient devant « cette forme de symbolisme, quintessence du magnifique esprit d’un artiste évolutif » les connards ! Des Genevois de la très ‘bonne société calviniste’, qui rentraient du Casino d’Évian, descendus de leurs Mercedes et Jaguar, s’extasiaient devant le génie de la palette de couleurs (tu parles !) de l’artiste.
Grâce à notre skipper, un peu moins bourré que les autres, nous avons réussi la retraversée du Léman, arrivant à bon port, à 6 heures du ‘mat’… juste le temps de prendre une douche et d’aller travailler !
En ballon!
Pour prendre un peu de hauteur… rien ne vaut une histoire de montgolfière !
C’était le 1er août 1991, pour une célébration originale du 700ème anniversaire de la Confédération helvétique, avec une douzaine de ballons à air chaud décollant depuis un golf fameux de la Côte lémanique. Nous sommes sur place dès potron minet (avant six heures du mat !)

La ‘Balle de Golf’ de Michel, pilote responsable du team, emmènera le multi millionnaire propriétaire du golf et décollera en premier.

Je piloterai le ballon Mazda avec une vieille nacelle prêtée par mon instructeur, car nous sommes au début de notre entreprise aérostatique et n’avons qu’une nacelle pour les deux enveloppes !
J’ai des brûleurs Raven, une marque ‘préhistorique’, un altimètre démodé, une radio qui n’est pas de première jeunesse, pas de variomètre, mais l’enthousiasme de participer à une manifestation originale est bien plus fort que de me préoccuper de la précarité de mon matos. J’assume avec l’analyse raisonnée propre au borgne qui a toujours contrasté avec l’instinctivité des pilotes ‘à vue complète’.
Je souhaite à mes passagers la bienvenue à bord, expliquant les caractéristiques de l’aérostat et donnant les consignes pour cette ascension. J’actionne les brûleurs pour maintenir la chauffe des 3000 mètres cubes de l’enveloppe quand l’organisateur de la manifestation s’approche, manifestement contrarié : « Désolé mais tes passagers doivent laisser la place à une autre famille » …
J’accueille donc un autre golfeur, avec sa ‘ bonne femme snobinarde ’ et un fils niais de 14 ou 15 ans. Pour être clair, ils ont des têtes d’antipathiques prétentieux. L’organisateur me glisse à l’oreille que le fils n’a pas voulu monter dans le ballon qui leur était attribué car les couleurs un peu passées ne lui plaisaient pas. Et c’est pour satisfaire le caprice de cet enfant gâté qu’on a chamboulé la répartition des passagers…
Puis nouveau contretemps : le propriétaire du golf ne s’est pas réveillé à temps et nous ne pouvons pas attendre que ‘ce monsieur’ en ait terminé avec ses ablutions, car en été on ne vole en toute sécurité qu’avant 8 h 30, au plus tard 9 h 00 à cause de la température croissante et des phénomènes thermiques. On me confie alors rôle de ‘lièvre’. J’aime bien ! A fond les brûleurs, départ. Le spectacle est extraordinaire : Voir depuis le ciel les autres ballons quittant le terrain l’un après l’autre c’est jouissif… sauf pour mes passagers, qui n’ont aucune réaction. Vol tranquille d’une heure le long du Jura puis atterrissage en douceur sur une grande prairie accueillante. Avec l’aide de Ginette, ma ‘retrouveuse’ du jour, une ‘pro’ déjà sur place car elle avait anticipé où j’allais poser, nous plions le ballon et chargeons la nacelle sur la remorque. Mes passagers ne proposent bien sûr pas d’aider au rangement du matériel et leur fils tire toujours la gueule. Arrive alors le ballon multicolore qui n’avait pas plu au morveux, et j’ai encore des frissons de satisfaction de l’avoir mouché.

Savourez mon intervention, déclamée avec un enthousiasme que je reconnais un brin surfait :
Waouh… Regardez le ballon en phase d’atterrissage ! Il ne dispose que d’un très petit espace pour poser, mais comme c’est le meilleur pilote du monde je me réjouis de voir sa manœuvre. Suit une pose parfaite.
J’ajoute vicieusement que n’ayant pas l’expérience de cet immense aéronaute je n’aurais pas osé atterrir à cet endroit. Tu parles…
J’en remets une couche, suscitant enfin un semblant d’intérêt du jeune ectoplasme, disant mon envie de devenir un pilote aussi prestigieux que lui. Il se nomme Dany Cleyet Marrel. Il a plus de 6000 heures de vol, a participé à de nombreux championnats du monde et épreuves internationales. En montgolfière, il fut le premier à survoler le Mont-Blanc en solitaire et surtout il est pilote du ‘radeau des cimes’, le dirigeable géant qui opère au-dessus de la canopée en Amazonie et à Madagascar…
Si vous aviez vu la gueule du cuistre qui n’aimait pas les couleurs du ballon du maître et avait sans le savoir préféré celui d’un pilote avec seulement 70 heures de vol… borgne de surcroît !


Un peu de sport
Pour skier, conduire et piloter avec un seul œil valide, nous avons vu dans un chapitre précédent qu’un borgne peut repousser ses limites pour « faire comme tout le monde » mais qu’en est-il de la pratique d’autres sports pour un monoculaire ? Bonne question !
Oublions les sports avec une balle, hors de question pour moi, car attraper ballon, balle, volant ou palet est tout simplement impossible… Sans la 3D t’oublies. Adieu donc foot, tennis, hockey, handball, basket, badminton et même ce ‘golf du pauvre’ qu’est le hornuss, un sport folklorique traditionnel pratiqué en Suisse alémanique (Seeland bernois) consistant à lancer à plus de 200 km/h un petit projectile (le ‘frelon’, traduction de hornuss) au moyen d’une sorte de fouet très flexible, terminé par un manchon cylindrique en bois, que l’autre équipe doit tenter d’arrêter au moyen de panneaux en planches.
J’évoque ce sport très spectaculaire car je l’ai suivi alors que le magazine américain Times m’avait mandaté pour un reportage !


J’ai pourtant fait un peu de water-polo, un sport avec une ‘baballe’, mais dans des conditions assez rocambolesques. Bon nageur (12ème temps de Suisse romande en 1960 avec 1 minute 06) je travaillais à Bienne et m’entraînais avec le club local de natation, les Bieler Swim Boys. Dans la capitale industrielle du Seeland bernois il n’y avait pas encore de piscine et nous nous déplacions à Berne pour 30 à 40 longueurs de bassin olympique deux fois par semaine. J’avais profité de faire quelques tests en water-polo avec l’équipe fanion du club.

J’ai eu la chance de vivre avant toutes ces histoires de djihadistes barbus… Mais aussi un souvenir cocasse : Pour un entraînement à la piscine on me demande de porter un bonnet de bain. « Pourquoi ? » « Pour ne pas obstruer le système de filtration avec des cheveux et des poils ! » Je ne crois pas utile de dire que, chauve et plaisantin, j’ai mis le bonnet de bain sous ma barbe, en toute logique… sauf celle de l’inutile de service qui a insisté pour que je porte le bonnet sur la tête. Je me suis exécuté en ricanant et en pensant que ce ‘trouduc’ pourrait parfaitement entrer dans n’importe administration gouvernementale…
J’étais rapide pour aller chercher les balles mais j’ai très vite démontré mes lacunes athlétiques : si je suis doté de mollets qui développent plus de 350 watts, ce qui faisait de moi un cycliste puissant j’avais, et j’ai toujours, des ‘bras de gonzesse’ et ne relançais la balle ni très fort ni très loin. Et c’était encore pire à la réception, car après avoir tenté d’estimer la distance et la vitesse avec laquelle le ballon arrivait dans ma direction, le temps de réaction me faisait manquer le ballon 2 fois sur trois. Et comme mon club évoluait en Première Division (Ligue nationale A) on ne faisait pas souvent appel à moi pour renforcer l’équipe. Je me suis donc contenté de participer aux entraînements et de jouer parfois un quart temps (5 minutes) en match officiel, un peu grâce à ma pointe de vitesse, mais surtout à des défections, soyons honnête !
Et la planche à voile ? Mes amis sportifs s’étaient mis à ce sport à la mode dans les années 60-70. Une information :
La planche à voile n’est pas un sport de borgne !
« Essaie ! » m’ont dit mes potes. J’ai essayé ! Mais lors de mon unique tentative, sous le regard goguenard de mes copains ‘normaux’ je me suis singularisé en montant 12 fois sur la planche à voile, me retrouvant 11 fois dessous. Lors de la bonne tentative, à peine debout, me cramponnant au mât, j’essaie d’analyser en même temps la provenance du vent, les vagues et la position de la voile… beaucoup pour un débutant avec un seul œil ! Je manœuvre au ‘pif’ et très vite mon frêle esquif (comme on qualifie une planche à voile à la dérive) s’oriente vers le large, la côte s’éloigne, mais les copains qui m’observaient viennent à ma rescousse avec un canot à moteur. Je monte à bord tout penaud alors qu’un des ‘sauveteurs’ nous suit facilement sur ‘ma’ planche pour ce retour sans gloire de ma première et dernière tentative de navigation vélique !
Peut-on rire de tout ?
Oui, mais pas avec n’importe qui, ajoutait Pierre Desproges. Je m’inclus dans la pratique de cette liberté et vous donne le droit de plaisanter sur ma borgnitude et mon strabisme, car je vous sais, amies lectrices et amis lecteurs, avoir de la classe, et surtout d’être capables de faire la différence entre humour et méchanceté ! Je suis du reste le premier à colporter des gags en la matière. Par exemple :
C’est l’histoire d’un borgne qui dépose chaque soir son œil artificiel dans un verre d’eau. Un soir il rentre bourré, s’arrache l’œil valide et s’écrie : « Quel est le salaud qui a fait sauter les plombs » !
Avant de passer à mon histoire véridique, sachez qu’en avion, avant un atterrissage de nuit, le chef de cabine joue du rhéostat et diminue l’intensité de l’éclairage intérieur. La raison ? Habituer les passagers à moins de lumière en prévision d’un cas d’atterrissage chaotique avec évacuation en catastrophe, dans l’obscurité…
Mon ami Gustavo était-il au courant de cette procédure aéronautique ? Ne sais pas, mais un jour qu’il entre dans un tunnel en voiture, il explique à son passager qu’il a une méthode infaillible pour éviter les inconvénients du changement de lumière. Il suffit de fermer un œil à 150 mètres du ‘trou noir’ et au moment de l’entrée du sous-terrain on inverse la fermeture/ouverture des yeux. Résultat : l’œil qui était fermé se trouve immédiatement en conditions de vue optimale dans le tunnel. Le passager de Gustavo, un ami commun, lui suggère de faire part de sa méthode à votre serviteur et de demander ce que j’en pense…
Malheureusement pour lui, quelques années plus tard, l’ami Gustavo a perdu un œil dans un accident de travail. A notre première rencontre entre monoculaires je lui ai bien sûr rappelé son conseil de l’œil fermé avant d’entrer dans un tunnel. Je sais que ce n’est pas d’une grande finesse, mais cela ne nous a permis d’arroser nos rires (jaunes ?) dans quelques fameux élixirs andalous.
Il m’a avoué que pour lui la vie n’était plus la même : peur de tout, de chaque mouvement, de chaque geste brusque, manque d’assurance et difficultés à évaluer les distances, j’en passe ! Me permettez-vous : Bienvenue au club ?
Je connais d’autres malheureux qui ont perdu un œil en cours d’existence. Tous disent que ma chance dans la malchance est d’être borgne de naissance. Je les comprends parce qu’ils ont vu comment je me débrouillais dans ma vie de monoculaire, alors qu’eux devaient apprendre à maîtriser leur nouvelle condition handicapante ! Certains sont devenus aigris, d’autres ont rendu leur permis de conduire et ceux qui ont continué à utiliser leur voiture le font avec la crainte d’un pépin qui pourrait leur être reproché, une véritable ‘épée de Damoclès’ suspendue au-dessus de leur tête…
Terminons ce chapitre, pas toujours drôle, en gardant le sourire avec Twitter, qui fait aussi parfois de l’humour, vous ne le saviez pas ? Voici un mail que je reçois souvent

Bon, je jette un œil mais après… J’achète une canne blanche ?
Au chapitre des maladresses, je ne suis pas en retard. Par exemple cette vieille histoire :
J’officiais comme responsable du son au cabaret Au Vieux Château de St-Cergue, dans le Jura suisse. Nous avions accueilli le pianiste de jazz Jean Yves Poupin. Aveugle, il subissait les habituelles facéties de ses amis, qui déplaçaient son verre de bière d’un bout à l’autre du piano. J’avais trouvé leur attitude un peu limite et en faisais part au pianiste. J’avais conclu par « Tu vois ce que je veux dire ? » Il m’avait répondu : « Bien sûr que je vois ce que tu veux dire… je vois même très bien !
Acceptons les maladresses de Twitter et les nôtres, en découvrant un proverbe moins connu que « Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois » et moins souvent entendu :

Œil pour œil, oreille pour oreille !
Il y a des relations entre la vue et l’audition, surtout pour l’interprétation que fait le cerveau des données recueillies par deux yeux ou deux oreilles…
Stéréo vient du grec et signifie spatial. Une reproduction stéréophonique recrée donc une ambiance venant ‘en même temps’ de nulle part.… et de partout, bref : de l’espace ! Cette sensation n’est possible qu’avec deux oreilles.
Nos ‘doubles’ sensors auditifs permettent l’effet stéréo et vos ‘doubles’ sensors oculaires engendrent la troisième dimension (3D). On peut aller plus loin et dire que nos doubles perceptions, auditive et oculaire, sont à la base d’une écoute spatiale et… de la télévision en relief, qui fit l’objet de mon premier article d’Une vie de borgne.
https://wordpress.com/post/akimismo.wordpress.com/5071
Laissons un instant le système oculaire de côté, puisque vous en entendrez encore parler à de nombreuses occasions dans les prochains chapitres.
Je commets cette infidélité passagère à la vision pour évoquer une invention géniale qui aurait pu révolutionner le son, l’enregistrement, les haut-parleurs et la stéréo. Il s’agit du
Stéréolith©
une marque déposée pour des enceintes acoustiques révolutionnaires. L’invention est due à un ami d’enfance et si je vous en parle ici c’est qu’on y trouve une confirmation de mon association oreilles/yeux :
La stéréo est une connerie ! … Cette affirmation assez crue a été entendue par mon ami Walter Schupbach et a conduit à son invention du Stéréolith©. C’était en 1986.
Alors en apprentissage de radioélectricien, on l’envoie chez quelqu’un fort mécontent d’une chaîne stéréo que son employeur avait installée. Ce client l’apostrophe en lui démontrant toute la stupidité de cette mode des deux haut-parleurs placés de chaque côté de la pièce : « Votre matos est tellement nul que j’obtiens une meilleure audition en empilant les deux enceintes l’une sur l’autre ! Votre stéréo est une connerie ! » Cette situation ubuesque devait déboucher sur l’invention qui a valu à mon ami de recevoir le Grand Prix du Salon des Inventions 1986 à Genève, le Diapason d’Or 1989 ainsi que les louanges dithyrambiques des plus grands chefs d’orchestre de l’époque. Sa découverte est à la reproduction stéréophonique ce que l’holographie est à l’art visuel : une véritable ambiance volumétrique ‘tridimensionnelle’.
Avec les deux haut-parleurs regroupés dans une seule enceinte, qui peut être placée n’importe où dans la pièce, on obtient un effet stéréo parfait, sans affecter la qualité. L’auditeur peut donc apprécier la sonorité du Stéréolith® depuis pratiquement n’importe quel point de la pièce. Pour cette idée et cette invention, Walter Schupbach a bien sûr fait des études et des recherches à la suite de la découverte des haut-parleurs ‘empilés’ dont je vous ai parlé plus haut et sa réflexion repose sur une simple constatation : en matière d’audition la stéréo avec deux haut-parleurs séparés est une aberration et Walter s’est même permis, lors d’une conférence aux ingénieurs de Bose, de leur dire qu’ils faisaient fausse route et qu’ils ne savaient tout simplement pas enregistrer car la musique n’a qu’une source mais on l’entend en stéréophonie grâce à l’écartement de 15 centimètres entre les deux oreilles. Tiens, tiens, on se rapproche des 12 centimètres qui séparent nos deux yeux, ce qui vous permet d’avoir une vision en 3 dimensions. Vous vous souvenez de la parallaxe dont je vous ai parlé au chapitre 2 ?
https://wordpress.com/post/akimismo.wordpress.com/5090
Mon ami Walter est bien meilleur en technique qu’en affaires. C’est pourquoi vous n’avez peut-être jamais entendu parler du Stéréolith©. Au début, dès le brevet validé, la plus grande marque japonaise d’instruments et de chaines stéréo a fait des offres mirobolantes à notre ami pour acheter son produit, mais il a toujours fait passer son nationalisme helvète avant tout. Par principe, il n’a jamais accepté de collaborer avec une marque du ‘Pays du soleil levant’, et doit le regretter actuellement, quoi que…
Il a peut-être aussi eu tort de dire aux ingénieurs du géant mondial des haut-parleurs Bose qu’ils ne savaient pas enregistrer. Toute vérité n’est pas bonne à dire et Walter en a fait les frais. Il a pourtant fini par collaborer avec les enregistreurs Revox, une ‘marque suisse’, l’honneur était sauf (sic !), qui a pendant un certain temps, commercialisé le Stéréolith©.
Je suis expatrié en Espagne depuis un quart de siècle, et j’ai perdu de vue cet ami original, mais crois savoir qu’il produit toujours, dans le bassin lémanique, ses petites merveilles de haut-parleurs !


Célébrités et voitures célèbres
Ma petite vie ‘tranquille’ avec un seul œil… aurait pu être pire !
Petit clin d’œil (avec le bon !) à un ami blogueur & blagueur d’Alsace,
il se reconnaîtra, lui qui se réjouissait de la parution de de cet article.
C’est fait !
Je n’ai pas fait d’études et n’ai pas le Bac, des choix totalement assumés ! Mais une passion pour ma langue maternelle et la volonté d’y ajouter 4 langues étrangères, sans ‘avouer’ un peu de Schwytzerdütsch, m’ont permis de rencontrer et de côtoyer quelques personnages fameux, certains m’ayant accordé leur amitié.
Commençons par Peter Ustinov, qui fera l’objet du chapitre 19 et Salvador Dali, que j’ai rencontré à Paris. Voici le lien :
https://wordpress.com/post/akimismo.wordpress.com/2375
Ajoutons-y Juan Manuel Fangio (5 fois champion du monde de Formule 1) avec qui je parlais en italien, la langue de sa maman. C’était avant de m’immerger dans celle de Cervantès, mais je n’ai pas encore rencontré Fernando Alonso ! Giacomo Agostini (14 fois champion du monde de moto, qui m’avait prêté sa Porsche blanche cabriolet !) et Mike Hailwood (9 fois champion du monde moto) au Circuit d’Auvergne où on m’avait demandé de faire l’interprète en anglais pour un responsable du circuit.
Jean-Claude Killy, le triple médaillé de Grenoble 1968, qui avait son adresse helvétique chez moi, eh oui ! et Jacques Brel, devant lequel j’ai pleuré :
https://wordpress.com/post/akimismo.wordpress.com/3752
Steve McQueen et Yves Montand, que j’ai côtoyés pendant plusieurs mois sur le tournage les films Le Mans et Grand Prix. Ces deux films, que j’ai suivi de près, feront l’objet d’anecdotes personnelles et inédites dans un prochain article d’Une vie de borgne.
Vous remarquerez que j’excelle dans les techniques cinématographiques, par le truchement des ‘lancements’ pour vous ‘appâter’… Un peu de patience, le film va commencer !
Il y a eu David Douglas Duncan, l’immense photographe de guerre américain, dont nous reparlerons au chapitre 18.
Et tous nos invités à l’Hôtel de Paris pendant le GP de Monaco (avec l’argent de Goodyear, bien sûr… beaucoup d’argent !) : Kirk Douglas, Stéphane Collaro, Michel Drucker, l’avionneur Igor Sikorsky, Jean-Luc Lagardère et tellement d’autres !
https://wordpress.com/post/histoiresdautomobilesetdemotocyclettes.com/1335
Dans les années 60-70 j’ai conduit des voitures exceptionnelles, voire uniques… avec un œil, unique aussi ! Lamborghini Miura, Ferrari Daytona ‘aluminium’ de 440 CV (fabriquée à 5 exemplaires seulement), AC Cobra 7 litres, Dino Ferrari, Lamborghini Marzal, pièce unique maintenant dans un musée privé, Citroën Maserati, Martini Formule 3 pour 3 tours du circuit de Magny Court, Fiat Abarth 2000 OT (seulement 5 voitures construites) … des pièces de collection valant maintenant plusieurs millions d’euros.

Et cette R4 ? Elle n’a rien de spécial, sauf que c’était ma voiture familiale en 1968 et Marie Claire Merenda Cibié (oui, les phares Cibié…) m’avait offert ces longues portées avec des ampoules halogènes de 100 Watts non homologuées pour la route puisque réservées aux 24 heures du Mans. Je ne crois pas nécessaire de vous raconter les ‘rincées d’iode’ que se prenaient dans les mirettes ceux qui oubliaient de passer en code en me croisant… plus fort que le Laser !
J’ai aussi eu la chance d’être passager de quelques célébrités du sport automobile :
Juan Manuel Fangio (chez lui, pour traverser Buenos Aires)
Jacky Ickx (sur l’ancien Nürburgring de 22.8 km)
Phil Hill champion du monde F1 en 1961 (avec la Shelby Cobra de 7 litres, sur l’anneau de vitesse de Monza)
Michael Parkes qui m’a fait faire quelques tours du circuit de Monza avec la Ferrari 512 F qu’il allait piloter aux 24 Heures du Mans 1971 avec Henri Pescarolo
Jean Guichet vainqueur des 24 Heures du Mans 1964
Vic Elford vainqueur du Rallye de Monte Carlo 1968
Sandro Munari 4 fois vainqueur du ‘Monte’ avec qui j’ai ‘échangé’ mon passage dans sa Lancia, contre des cours de ski à Cervinia!
Ove Andersson vainqueur du Rallye de Monte Carlo 1971 puis directeur de l’équipe Toyota Formule 1
Bonne occasion de vous rappeler un week-end exceptionnel à Cervinia
https://wordpress.com/post/histoiresdautomobilesetdemotocyclettes.com/1055


Pour rester au chapitre des grands rallymen qui m’ont emmené en voiture, il y a eu aussi Jean-Claude Andruet, double champion de France, Timo Mäkinen avec une BMC Cooper S et Erik Carlsson avec une Saab Coupé
Passons à la suite avant qu’on m’accuse de sacrifier au culte de la personnalité. Le but était de faire un peu mieux connaissance avec le ‘narrateur’ de Ma vie en monovision !

A défaut d’affectionner les noeuds ‘pap’ j’ai toujours eu un faible pour les portes « papillon » de la Mercedes 300 SL. J’ai eu en mains celle de David Douglas Duncan, le fameux photographe de guerre américain, grand ami de Pablo Picasso et de… Nikita Khrouchtchev. C’était en 1973. Il me l’avait confiée pour un petit galop d’essai autour de Lausanne. J’avais déjà conduit des 300 SL mais à mon retour de cette balade qui tenait plus de la frime que de l’essai, soyons honnête, je m’étonnais du potentiel inhabituel des freins de ce modèle de la première série (1955 je crois). Et David de me dire : J’ai fait remplacer les freins à tambours d’origine par des disques (montés en série dès 1962 seulement). A mon commentaire sur la valeur perdue de sa voiture comme pièce de collection il avait éclaté de rire, ajoutant qu’il n’en avait ‘rien à cirer’ (not give a rat’s ass !), que c’était ‘sa voiture de tous les jours’, que sa sécurité et sa vie valaient bien plus que la cotation à l’argus de la 300SL. Il est décédé en 2018 à l’âge de 102 ans. Il m’avait dédicacé son livre Les Trésors du Kremlin.

Au fait, j’y repense, vous avez tous connu au moins une 300SL… celle du film Ascenseur pour l’échafaud, à revoir! Avec une autre Mercedes 300SL, celle d’un ami collectionneur, j’avais officié comme co-pilote sur le circuit du Castellet pour une épreuve de voitures de collection. La vitesse était déterminante mais nous devions aussi annoncer, par anticipation, les temps au tour que nous allions faire et il fallait rouler avec une régularité d’horloge helvétique, que les commissaires contrôlaient discrètement tout au long du parcours. Il faut croire que mon pote pilotait bien et que j’étais assez bon au chrono, puisque nous avons terminé 2ème de l’épreuve, derrière une Lister Jaguar si mes souvenirs sont bons, pilotée par Jackie Stewart ‘himself’, ça j’en suis sûr !
Une autre voiture à portes papillon : la Lamborghini Marzal

Un exemplaire unique, jamais construit en série. La partie inférieure vitrée de cette 4 places permettait de voir défiler la route. Le moteur était unique et original. On avait tout simplement scié en deux le V12, de 4 litres, de la Miura. Résultat : un 6 cylindres en ligne, oui en ligne (!) transversal arrière de 2 litres. J’ai lu pas mal de conneries sur cette mécanique, reprises par tous les scribouillards de l’époque.
Stop ! Je l’ai conduite (oui oui !) et j’affirme que ce moteur, aussi unique que la Marzal, était très loin d’une réussite et ratatouillait plus qu’il ne fonctionnait…
Du reste cette voiture était si difficile à manœuvrer qu’avant que le Prince Rainier de Monaco n’ouvre le GP de 1967 à son volant, Lamborghini avait mis la voiture à sa disposition plusieurs jours pour qu’il puisse s’entraîner dans les jardins de son palais ! Eh… tu rigoles… tu imagines le prince calant dans la montée de Sainte Dévote devant 100’000 de ses ‘sujets’ ?
J’étais bien placé pour affirmer que le moteur ‘ratatouillait’ de manière horrible. Mon brassard de l’époque atteste de ma présence dans la Principauté…

Mais la voiture était si belle, originale et unique, de plus pilotée par le grand ‘daron’ de la Principauté que les spectateurs n’y ont probablement vu que du feu et des paillettes !
Avec Yves Debraine, le photographe de l’Année automobile, nous étions allés au Salon de Turin pour son reportage sur la Marzal. Voici le résultat !
Pour la publication dans l’Année automobile N° 14, alors que nous étions en train de trier les photos avec notre boss Ami Guichard , votre serviteur a eu une double idée loufoque : premièrement l’effet miroir avec un montage de deux photos:

Puis, au lieu que la porte s’ouvre logiquement contre le haut, je dis : inversons les deux images. Pourquoi ? ‘Bin’ pour que la porte s’ouvre toute seule sous l’effet de la gravité !

Le plus fort est que c’est la photo que nous avons publiée!.
Pour terminer voici un article trouvé je ne sais plus où… c’est trop ancien:
The respected Automobile Year annual noted that four members of its staff had spent an entire day driving in the car, adding that if it were to spawn a production version, they would have no hesitation in naming it their ‘Car of the Year.’
Ces 4 membres du staff de l’Année Automobile étaient : Ami Guichard le directeur, Philippe De Barsy le rédacteur, Yves Debraine le photographe et un jeune homme, alors secrétaire de rédaction, Norbert Duvoisin, connu aussi sous le nom de akimismo dans les blogs !
Tiens… Une autre célébrité qui avait aussi l’automobile comme passion
Peter Ustinov

Peter Ustinov était un écrivain, comédien et metteur en scène de théâtre, de cinéma, scénariste et producteur britannique, né le 16 avril 1921 à Londres et mort le 28 mars 2004 à Lausanne. Permettez-moi de l’ajouter à la liste des célébrités qui m’ont accordé leur amitié !
Passionné de Formule 1, Sir Peter arrivait parfois à l’improviste sur les circuits, comme en 1969 à Monaco. Auprès de l’une des mignonnes hôtesses du service de presse, j’obtiens pour lui un brassard de photographe, fameux sésame qui donnait en ces temps anciens le droit de suivre la course depuis les trottoirs de la Principauté. Nous lui donnons un appareil photo qui ne fasse pas trop « Instamatic », et départ avec notre vedette pour longer le circuit avant le début du Grand Prix. Il avait une ‘tronche’ bien particulière, et sa notoriété n’échappait pas aux spectateurs des tribunes. « Hé ! c’est Peter Ustinov ! » La rumeur se répétait et s’amplifiait et notre farceur de prendre un air ahuri, jouant l’étonnement, ouvrant les bras à l’italienne et, avec une voix fluette contrastant avec sa corpulence conséquente, de déclamer : « Io ? Sono Machiavelli del Tempo di Roma ! »
D’autres souvenirs :
Avec un collègue journaliste, nous avions effectué avec lui une visite au Salon de l’Auto de Genève. Grand connaisseur de voitures, surtout celles de luxe, genre Maserati comme nous le verrons plus loin, il s’était exprimé sur quelques nouveautés de cette édition, et je me souviens encore de certains de ses commentaires :
Devant l’Austin Maxi, en première présentation mondiale, une voiture ratée, il s’était amusé :
« Certains mettent tout à l’avant, d’autres mettent tout à l’arrière… eux ont mis ‘tout à côté’ »
Dix ans après la chute du mur de Berlin, un stand présentait une ‘nouveauté’ (!), la Trabant

Pour cette pétrolette 2 temps fumante de l’ex Allemagne de l’Est, Ustinov, théâtral, entre-ouvre légèrement la porte, met son nez à l’intérieur, ressort la tête, avec une moue simulant le dégoût :
« Ça sent encore le rideau de fer ! »
Au sujet d’une nouveauté américaine luxueuse (était-ce une Cadillac ?) notre ami s’exclame :
« Ces américains sont vraiment incroyables : ils parviennent même à donner à leurs tableaux de bord en bois précieux… l’apparence du plastique ! »
Nous avions son accord pour négocier le reportage avec une revue américaine. Je me suis donc rendu à son domicile, à 10 km de chez moi à l’époque, avec les tirages photos,
Installé à son bureau blanc reçu, m’avait-il dit, l’après-midi même et placé… dans sa chambre à coucher, il me demandait de lui rappeler ce qu’il avait dit, et à chaque photo il rédigeait à la main une légende qui n’avait rien à voir avec l’original, mais tout aussi spirituelle, en français et en anglais. Je suis reparti de chez lui, après qu’il m’ait offert un très bon whisky !
Une autre histoire a été publiée dans un livre sur Guerino Bertocchi, le chef essayeur de Maserati, surtout mécanicien d’un certain Juan Manuel Fangio

Bertocchi venait de livrer la dernière Maserati Quattroporte à Ustinov. Lisez plutôt, page 136 :

Je n’ai pas de moyens professionnels de reproduction mais je suis sympa, vous écris une version un peu plus lisible que ce mauvais scan :
Voici le témoignage de Norbert Duvoisin (directeur de la Scuderia Filipinetti, journaliste auto, membre du forum Maseratitude) qui était présent quand Guerino Bertocchi livra une Maserati Quattroporte à l’acteur Peter Ustinov à son domicile en Suisse :
« Je précise que je n’ai pas de photos car j’étais chez Peter Ustinov pour une séance de travail avec des photos prises au salon de Genève pour un article que je préparais pour Motor Trend aux USA. Donc pas de photos car le smartphone n’existait heureusement pas encore, et je n’aurais pas eu l’outrecuidance de mélanger l’amitié, le boulot, avec le « sensationnel ».
1969 ou 1970, je ne sais plus, fin d’après-midi, à Bursins dans le bassin lémanique, à la villa cossue de Sir Peter. Il me reçoit, un peu pressé. Vous connaissez les célébrités et leur emploi du temps…
Je me trouve face à face avec un italien qui attendait un taxi pour le conduire à l’aéroport de Genève. Entre deux coups de téléphone Peter Ustinov me présente Guerino Bertocchi qui venait de lui livrer sa nouvelle Maserati. Je fais le rapprochement avec le personnage que je n’avais jamais rencontré mais dont j’avais bien sûr entendu parler!
Ah ! les médecins…
J’espère que le corps médical me pardonnera… et que ceux qui ont été obligés d’avoir recours aux disciples d’Esculape accepteront mes affectueuses excuses !
Un prochain chapitre traitera de la force d’un borgne, confronté à la douleur physique et aux douleurs morales. Pas triste… c’est pourquoi je crois que ce qui suit ‘annonce la couleur’ de mon credo. Pierre Vassiliu chantait Mais ça emmerde les gens quand on vit pas comme eux. J’assume mon modus vivendi !
Naître avec des « défauts de fabrication » vous donne une confiance totale dans le génie de la nature et la conviction que les forces cosmiques sont bien plus puissantes que toutes les religions, les croyances, la médecine… et les médecins ! Nous y voici : Je n’ai jamais eu affaire aux médecins qui soignent avec la chimie et les médicaments et, de toute ma vie, je ne suis jamais entré dans une pharmacie. Des convictions qui, je l’espère, me permettront d’arriver en pleine forme à la fin de mon existence… dans très longtemps car je ne suis pas pressé !
J’ai tout de même dû parfois ‘consulter’, mais uniquement des artisans de la médecine, je veux dire ceux qui travaillent et soignent avec leurs mains, sans pilules, sans gélules, sans molécules :
- Un chiropraticien pour remettre en place ma colonne vertébrale affaiblie par les séquelles de Scheuermann, comme presque tout le monde (si, si, renseignez-vous), et la pratique intensive du sport
- Des dentistes et des prothésistes (avec l’âge il faut parfois renforcer certaines parties de la mâchoire !)
- Un chirurgien pour la vasectomie
- Des ophtalmos pour la cataracte et les 700 points de laser au fond de mon œil valide suite à un décollement de la rétine. Je vous l’ai dit : Que des artisans !
- Des kinésithérapeutes
- Un rhumatologue spécialiste de l’aiguille fine pour redresser mes doigts atrophiés par la maladie de Dupuytren. Voir mon texte du 14 octobre :
https://wordpress.com/post/akimismo.wordpress.com/5405
Seules exceptions, par obligation :
Un généraliste pour ‘plâtrer’ un pied fracturé
Un autre pour le renouvellement de mon permis de conduire et pour participer au Marathon de l’Engadine à ski de fond, 42 km à l800 m. d’altitude, suite au décès d’un concurrent médecin (authentique) lors d’une édition précédente
Encore un pour la licence de parapente et un pour celle de montgolfière
Je vous raconterai au prochain chapitre mon entretien téléphonique avec un médecin, pour passer de la montgolfière au dirigeable. Un sketch digne de Coluche, on a bien le droit de rigoler non ?
J’ai tout de même rencontré des médecins… mais sans qu’il s’agisse de soins :
Dr J. le médecin de famille de mes parents, qui fumait comme un four crématoire, bien sûr mort d’un cancer des poumons. A ma mère qui lui demandait comment perdre du poids, il avait répondu : Arrête de bouffer ! Ma pauvre maman avait été choquée par cette soudaine familiarité.
Dr W. un ami de jeunesse avec lequel j’avais fait pas mal de sport, mais jamais consulté comme praticien. J’ai pris contact avec lui, dès mes 70 ans, pour valider mon permis de conduire, des retrouvailles sympas pour évoquer des souvenirs à vélo et à ski de fond. Il s’étonnait que je n’aie pas de médecin traitant. Ma réponse : « Je veux mourir en bonne santé » l’avait un peu secoué, mais il a eu une réaction pire quand je lui ai dit que je ne voulais rien savoir d’éventuelles pathologies qu’il pourrait découvrir et que, de toutes façons, il était exclu que j’adhère au club des bouffeurs de pilules !
Il y a aussi eu le Docteur X, rencontré au Club Alpin, qui avait insisté pour que je me rende chez un confrère, célèbre cardiologue, intéressé de voir un sportif entraîné pour comparer certaines données avec ses patients habituels, souvent âgés, convalescents, cachectiques, au souffle court et la ‘pompe’ faible. J’accepte, et c’est en slip, bardé de sensors sur tout le corps, que je monte sur le tapis roulant pour un léger trottinement. A la vue dubitative du grand ‘chaman’, je lui suggère de ‘mettre un peu de gomme’. Il me conseille de me tenir aux barrières latérales. J’éclate de rire et c’est un peu vexé qu’il pousse le potentiomètre de l’engin au maximum, ce qui ne devait pas lui arriver souvent.



Et moi de courir, très à l’aise, bien sûr sans appui. Après plus d’une minute de ce régime les cadrans s’animent un peu pour indiquer 130 pulsations, et je lui dis qu’il faudrait doubler la vitesse du tapis, déjà à fond, pour arriver aux 180 pulsations d’un sprint à pied, à vélo ou à ski de fond !
Sa conclusion : A ce régime, mes patients habituels, relevant souvent d’opération et de transplantation du cœur, auraient depuis longtemps passé l’arme à gauche, mais un immense merci d’avoir accepté de vous soumettre à cette séance!
Comme promis, il y aura une suite, un sketch pour rigoler en peu, avec le médecin chef de l’Office fédéral de l’aviation civile…
Bonjour Docteur, au revoir Docteur
Suite du chapitre 20, avec encore un peu médecine, mais en prenant de la hauteur ! C’est aussi un clin d’œil à une lectrice et un lecteur, ils se reconnaitront, qui n’ont pas d’affinités particulières avec la bagnole, mais cette histoire et les deux suivantes, devraient leur convenir… puisqu’on va s’envoyer en l’air !
La pratique du dirigeable serait déconseillée à un borgne… c’est ce qu’ils disaient !
On ne pilote pas en Helvétie avec un seul œil. Nein, streng verboten ! Donc, comme pour le parapente, j’ai fait l’écolage et le brevet de montgolfière en France, le pays de la liberté… tout au moins en matière aéronautique ! Grâce aux accords bilatéraux avec l’Europe, l’Office fédéral de l’air suisse a été obligé de valider ma licence française.
Puis j’ai poussé l’outrecuidance jusqu’à oser solliciter une extension de licence pour le dirigeable. Je vous raconte la démarche téléphonique, qui semble être un sketch humoristique, mais qui est parfaitement authentique.
« Office fédéral de l’aviation civile, bonjour ! » (A imaginer avec un très fort accent alémanique)
« Bonjour, je suis titulaire d’une licence de pilote de montgolfière et désire obtenir une extension pour piloter les dirigeables. Quelles sont les formalités ? »
« Un instant svp… Ach ! Mais vous avez passé votre licence en France, donc nous ne pouvons rien faire pour vous ! »
« Pourtant, en vertu des accords avec l’Europe, votre office a validé ma licence, même que vous m’avez imposé les examens complémentaires pour la législation et la licence radio non encore obligatoire en France ! »
« Waôôh… (Toujours avec l’accent de Berne !) le tézizion tépend du médezin offitziel de l’atministratzion de l’Office fétéral de l’aviazion zivile »
J’ai donc pris contact avec le médecin, un colonel de l’armée, lui-même pilote d’hélicoptère).
« Ici le Docteur Schtroumpf (ou un autre nom dont je ne me souviens plus !). Votre dossier indique que vous êtes borgne et j’aimerais en savoir un peu plus sur vous. Avez-vous déjà rencontré des problèmes avec votre vue ? »
(Y m’énerve ce type… mais je dois lui répondre !)
« C’est difficile à dire car il y a des inconnues : par exemple je n’ai pas de problèmes jusqu’à 285 km/h… plus je ne sais pas car ma Kawa 1000 ne va pas plus vite ! En dévalant à ski de fond des pistes de 60 degrés pas de problèmes mais plus pentues je n’ai pas osé essayer ! Jusqu’à 7600 mètres d’altitude en Himalaya j’étais à l’aise… plus haut je ne suis pas monté !
Je sentais que mon colonel n’était pas preneur de ce genre d’humour et que la conversation tournait au vinaigre. Je l’ai donc ‘mise en sourdine’ et il a accepté de me recevoir dans son cabinet médical de la ‘ville fédérale’ (Berne) pour une très longue séance, ressemblant à un interrogatoire de la Gestapo, avec analyses, prise de sang et ‘tripotage viril’ par une solide infirmière polonaise, dont le hobby devait être la lutte libre ! Je suis sorti de son cabinet avec l’autorisation de faire l’écolage pour devenir pilote de dirigeable. Ouf !


Une douzaine d’heures de pilotage plus tard, brevet en poche avec une fierté assumée !
Je publierai plus tard un chapitre consacré au dirigeable, cet ‘Objet Volant Parfaitement Identifié’ très peu connu du grand public.
A bientôt, pour rêver en prenant encore un peu plus de hauteur…
C’est quoi un dirigeable ?
Un peu d’histoire

Sachant que vous n’êtes pas nombreux à être montés à bord d’un tel aérostat, je vais vous en dire un peu plus sur ce « vaisseau des airs ».
S’agissant d’un OVPI, ‘Objet Volant Parfaitement Identifié’ mais assez peu connu, voici quelques détails : Un dirigeable est rarement fabriqué en série, et même avec deux yeux, piloter ce genre d’engin relève de l’aléatoire, de l’empirique et de la péripétie. Que dire alors des sensations d’un borgne aux commandes ?

On vous dit dirigeable, vous ajoutez : ah oui le Zeppelin ! C’est normal que vous pensiez au LZ 129 Hindenburg, ce vaisseau des airs aux dimensions ahurissantes : 245 mètres de long pour un volume de 200’000 m3, rempli d’hydrogène, qui fut mis en service le 4 mars 1936. (A titre de comparaison le nôtre ne mesurait que 36.50 m. de long pour 12 m. de hauteur et 3000 m3 … une bricole!)
Fleuron de l’aérostation (et aussi de la propagande nazie), le Zeppelin emmenait jusqu’à 70 passagers autour du monde. Le LZ 129 a parcouru environ 337 000 km en 63 voyages.
Le plus long trajet a été effectué entre Francfort et Rio de Janeiro, soit 11 278 km en 111 h 41 min, à une vitesse moyenne de 101,8 km/h. Ses périples l’ont conduit à Bordeaux, Tanger, Marseille, Séville, Recife, Rio, Los Angeles, même Leningrad et Tokyo.
La belle aventure se termina à Lake Hurst le 6 mai 1937 dans les flammes provoquées par l’électricité statique au contact du câble métallique de l’aéronef avec le pylône d’amarrage. Avec l’extrême inflammabilité de l’hydrogène, il faut tout de même souligner qu’il n’y a eu ‘que’ 35 morts sur les 97 passagers et membres de l’équipage. C’était le 63ème et dernier vol commercial du Zeppelin.
Un détail sordide : le Hindenburg était à l’origine gonflé à l’hélium, gaz inerte non inflammable, mais depuis la montée du nazisme en Allemagne, les Américains, les seuls alors à livrer l’hélium, refusèrent d’approvisionner les sujets d’Adolf.

Le premier ‘vrai’ dirigeable décolla en 1884, soit cent ans après la première ascension d’une montgolfière en 1783. Le challenge qui hanta les ‘Geo Trouvetou’ de l’aérostation pendant un siècle, était de ‘propulser’ ces aéronefs, jusque-là livrés aux caprices du vent. On a tout essayé, mais les tentatives se soldaient généralement par un ballon jouant dangereusement à la toupie ! Il y eut des essais avec des voiles, des rames, de la poudre, des fusées, des hélices animées par des moteurs électriques, des pédales, de la traction depuis le sol avec des chevaux, des attelages d’aigles, des moteurs à vapeur avec cheminée… j’en passe et des pires ! Il s’agissait toujours d’aérostats à gaz.

Ce sont Charles Renard et Arthur Krebs avec leur aéronef oblong nommé « La France » qui réussirent en 1884 le premier circuit fermé de 7.6 km officiellement homologué.
Au milieu du XXème siècle, la montgolfière revint à la mode grâce à l’invention des brûleurs à propane. Don Cameron, constructeur de ballon à air chaud, n’hésita pas à utiliser ce système de chauffe, aussi pour ses dirigeables.
C’est un dirigeable de ce type, fabriqué en Angleterre par Per Lindstrand, que j’ai piloté… avec pas mal d’aventures.
Ready for take-off ?
Dernière montée d’adrénaline en dirigeable
Pour en finir avec les histoires de dirigeable, voici ‘ma’ dernière aventure aux manettes !
J’ai fait mon premier vol un 9 décembre, le jour de mon anniversaire. Tiens, vivement demain pour mes 20 ans… et plutôt 4 fois qu’une, avec plein de souvenirs aériens mais les pieds bien posés sur le sol !
J’ai fait de magnifiques ascensions sur Aarau, Winterthur, St-Gall et Zurich, même un survol à moins 300 mètres sol sur la Foire d’échantillons de Bâle, seul à bord, car notre prototype ne pouvait pas embarquer assez de gaz pour un vol de 2 heures à deux pilotes. Je devais voler à la limite légale (légale ? tu parles !) pour qu’on puisse lire notre promotion pour le Salon de l’Auto de Genève !
‘Il’ et moi avions fait l’extension de licence pour le dirigeable, mais ‘il’ avait trouvé le financement de près de 200’000 euros. Ne connaissant rien à ce genre d’aérostat, ‘il’ avait exigé une enveloppe lisse genre Zeppelin. Ce stupide caprice m’a valu quelques frayeurs, et notre prototype est resté en ‘homologation provisoire’. Nos vacations étaient prévues en Suisse allemande, donc un peu de Schwytzerdütsch était utile, en plus de l’allemand et de l’anglais. C’est pourquoi ‘il’ avait fait appel à un polyglotte, fût-il… borgne !
« Zurich Tower ! Airship Golf Bravo Whisky Lima Hôtel. Good morning. Expecting authorization for departure » « Lima Hôtel cleared for take off. Good flight ! »
Avec 10 millions de kilocalories/heure et des flammes de plus de 5 mètres il était récurrent, pendant la chauffe, de ‘cramer’ quelques mètres des sangles ajoutées pour donner à notre dirigeable cette pseudo forme de Zeppelin. A chaque fois, retour vers le bassin lémanique dans un atelier spécialisé pour réparer.

Les photos vous montrent l’ingéniosité de notre artisan avec sa machine à coudre industrielle introduite dans le dirigeable pour réparer les sangles brûlées…
Ci-dessous on voit bien le fouillis de sangles ajoutées !

‘Il’ avait décidé de faire un vol publicitaire au-dessus de l’aéroport international de Zurich Kloten. Rien que ça ! ‘Il’ avait réussi à ‘enfumer’ les responsables, obtenant toutes les autorisations, oui toutes ! ‘Il’ avait observé la situation depuis la tour de contrôle climatisée et insonorisée et clamait urbi et orbi que la manoeuvre était simplissime. ‘Il’ avait juste oublié d’impliquer celui qui piloterait, entre les Boeing et les Airbus en procédure d’atterrissage.


Je précise que les avions de ligne qu’on voit très près du dirigeable ne sont ni des modèles réduits… ni une retouche Photoshop !
Je décolle à moins de 200 mètres de la piste principale avec, comme co-pilote, un instructeur retraité, mis à notre disposition par le constructeur. Un moteur, genre tondeuse à gazon extrêmement bruyant, fixé au-dessus de la nacelle pour la surpression de l’enveloppe, rend les échanges radio avec la tour de contrôle si aléatoires que j’ai dû réduire les gaz de ce moteur auxiliaire pour tenter d’entendre les consignes et c’est mon copilote qui a capté le « Ready for take off ». Je découvre enfin, depuis en haut, le ‘merdier’ dans lequel on m’a envoyé : J’ai, paraît-il, l’autorisation de prendre la piste principale dans le sens contraire des atterrissages, à 50 mètres sol. En face de moi, un long courrier en train de poser, mais je dois l’ignorer puisque, à moins de 300 mètres, il ‘devrait’ prendre une déviation. Sans communication avec la tour de contrôle à cause du vacarme à bord, j’ai assumé mes responsabilités, quittant la trajectoire ‘programmée’. Bonne décision car la réduction des gaz du moteur de surpression avait altéré le comportement de l’aéronef, devenu très dangereux. Bien pire, il piquait du nez par manque de surpression, une tare de conception à laquelle nous avions déjà étés confrontés lors des vols d’essai. (Parfois on comprend mieux les refus d’homologation…). Le brûleur orienté vers l’avant crachant toute la puissance de ses flammes, aura finalement raison du piqué, le nez du dirigeable effleurant le sol, mais j’ai posé l’engin. Mon co-pilote m’a félicité pour la justesse de mes décisions de ‘commandant de bord’ et la maîtrise du ‘piqué’… c’est le seul côté positif que je retiendrai de cette grotesque prestation. A peine au sol, le ‘responsable’ de cette ‘irresponsable’ manoeuvre me demande de reprendre l’air car le vidéaste publicitaire n’était pas content de ses prises de vue !
J’ai alors très calmement actionné la soupape pour vider un peu d’air de l’enveloppe et stabiliser l’appareil, j’ai demandé à mon vétéran de droite de veiller sur la machine, suis sorti et j’ai dit à l’irresponsable que le siège de pilote était à sa disposition, s’il voulait continuer le vaudeville. Un peu chiard, sans la pratique de l’anglais et de l’allemand, il a décliné ma proposition.
Ende der Luftschiff Geschichte !
Notre prototype, en quête d’une improbable homologation fut, paraît-il, bradé au Mexique et nous n’en avons plus jamais entendu parler.
Ce fut aussi ma dernière prestation en tant que pilote de dirigeable !

Il aurait fallu accepter qu’un dirigeable à air chaud soit ‘dodu’ et potelé, avec un ‘petit ventre’ comme le montre cette photo d’un engin de marque Cameron et de ne pas vouloir singer, stupidement, la forme d’un direable à gaz.
Vous croyez au père Noël ?
Moi pas… et je n’y ai jamais cru, comme en témoigne cette histoire que ma mère m’avait racontée :
A l’âge de 4 ans, j’avais reconnu Paul, l’aimable employé communal de mon village, déguisé en père Noël, qui n’avait pas réussi à me convaincre avec sa grosse voix et sa houppelande.
Oui, quatre ans … Était-ce déjà le sens de l’observation du borgne qui avait fonctionné ou une incrédulité innée ? Réponse dans une autre vie ! Peut-être avais-je aussi compris que ‘père Noël’ était une activité ponctuelle, éphémère et… saisonnière. Au fait, a-t-il au moins le droit au chômage pendant ses plus de 360 jours annuels d’inactivité ?
Pourtant, les enfants qui croient au ‘distributeur de cadeaux’ me font presque envie. Du reste, avec mes parents, j’ai même été complice pour convaincre mon frère de 6 ans mon cadet, d’adhérer à la catégorie des gosses ‘dans la norme’. Je pense aussi que ma mère avait été frustrée par ma réaction d’enfant, évoquée plus haut.
C’est vrai que j’ai toujours eu de la peine à admettre l’existence non vérifiable des extra-terrestres, dont les représentations tiennent de l’hologramme, genre père Noël, loup garou ou même le paraît-il grand daron « qui est aux cieux ».
Si, par malheur, on nous imposait, par la contrainte, une idéologie de puissance suprême, comme on pourrait tenter de le faire avec ‘un certain vaccin’, je préférerais une religion tenant compte des effets de la lune et des marées, bref du concret, visible et vérifiable.
Einstein n’a-t-il pas dit que la religion de l’avenir sera cosmique… ou ne sera pas ?

Paradoxe ! Sans n’y avoir jamais cru, j’ai pourtant revêtu à mon tour la tunique rouge et la fausse barbe du père Noël : la première fois il y a 63 ans, dans l’épicerie d’une amie, qui n’avait pas les moyens de faire venir le ‘vrai’ !

Puis, des années plus tard, j’ai fait partie de l’escorte volante du père Noël aux Diablerets. Le directeur de l’école de parapente avait revêtu l’uniforme de Saint Nicolas, suivi par 5 ou 6 ‘civils’. Nous avions décollé du glacier, à plus de 3000 mètres d’altitude, pour nous poser, 40 minutes plus tard au centre du village à 1200 m.
Ce vol exceptionnel, le plus beau de ma trajectoire de parapentiste, au cours duquel nous avions côtoyé les aigles à quelques dizaines de mètres, avait incité le téméraire borgne que vous commencez à connaître (!) à mettre la pédale douce et arrêter de tutoyer les éléments à risque. Ce fut mon dernier vol en parapente avant de vendre mon aile et de passer, hé hé… à la montgolfière !

Quelques années plus tard je me déguisais à nouveau pour me poser, au même endroit, en montgolfière cette fois, distribuant des cadeaux aux enfants sages !
Belle phrase hein ? Un peu fleur bleue non? Bon ! si cette histoire évoque pour vous un conte de Grimm, où il manquerait juste Hansel und Gretel et la maison en pain d’épices… revenez sur terre pour savoir que, pour une fois, c’est le père Noël qui a menti aux enfants…
La véritable histoire, la voici :
Le temps était instable et nous avions discrètement gonflé le ballon à l’écart, avant de le tirer à la corde, sur le lieu d’animation. Je m’étais glissé en catimini dans la nacelle, m’accroupissant au fond pendant que, comme un tour de passe-passe, Michel le pilote entre à son tour dans le panier, faisant du bruit en actionnant les brûleurs pour distraire l’attention du public. Il avait décollé, retenu par les cordes, après avoir clamé qu’il allait chercher le père Noël. Mon farceur d’ami avait même embarqué sa trompette pour quelques ‘pouet pouet’ à 40 mètres du sol, un autre artifice pour ‘noyer le poisson’ et préparer l’arrivée de « qui vous savez ».
Loin de la vue des spectateurs, toujours accroupi au fond de la nacelle, j’avais revêtu la houppelande embarquée préalablement et endossé la hotte aussi trouvée au fond de la nacelle. Puis Michel a laissé descendre la montgolfière avec le ‘déguisé’ à ses côtés.
J’entends encore les applaudissements, c’était un grand, un très grand moment !
Après ce pieu mensonge sur la provenance du ‘barbu’ et sa vraie fausse arrivée sur terre, je confirme que je n’y crois toujours pas, mais si vous avez besoin d’un lapin de Pâques le 4 avril prochain, faites-moi signe. Il vous faut juste trouver un costume, une montgolfière… et un pilote car j’ai renoncé depuis très longtemps à ma licence !
J’ai le vertige !
ll y a très longtemps, c’était en décembre 2021 (donc vraiment très longtemps !) une de mes lectrices avait avoué souffrir du vertige. Je lui avais promis des précisions. Pourquoi ne pas commencer l’année avec ce sujet ?
L’alpinisme et le vertige
Je pratiquais la randonnée à peaux de phoque avec des potes du Club Alpin, et à la fin du printemps, skis rangés, je me suis laissé convaincre de suivre un cours d’alpinisme pour découvrir la ‘grimpe’ en rocher, discipline que le ‘borgne’ avait ôté de ses ambitions sportives. Ne voulant pas perpétuellement parler de ma vue monoculaire, j’ai eu le malheur de dire au chef de cours que j’avais le vertige (Bonjour Louise !) Il devait attendre mon objection, qu’il avait entendue 1000 fois. Nous avons évoqué le sujet avant d’attaquer la première longueur sur une paroi de degré 3, donc facile. Et ce fût une révélation pour moi, une de plus. Je retiens que ce qu’on nomme vertige n’existe pas au sens qu’on lui donne. Ah bon ? Le vertige est un phénomène correspondant à une sensation de rotation de notre environnement avec « déplacement du corps dans l’espace ». D’autre part, la tête qui tourne en vous relevant après avoir été accroupi, n’a rien à voir non plus avec le vertige, c’est une hypotension orthostatique, soit une chute de la pression artérielle systolique. Donc oublions le vertige en montagne et ayons le courage d’admettre qu’il s’agit de peur… oui, la peur tout simplement ! J’avais, vous avez, la trouille, quitte à en perdre notre superbe, désolé ! Mais rassurez-vous, la peur se maîtrise, je l’ai compris en prenant conscience que vous ne risquez rien si vous êtes bien encordé, avec baudrier, mousquetons, pitons et… un bon ‘assureur’ à l’autre bout de la corde. J’ai rapidement été guéri de mon fameux ‘vertige’, mais pas de mon handicap de vue en monovision, malheureusement ! Et si mes amis n’ont jamais fait grand cas de mes difficultés, c’est de ma faute car j’ai toujours voulu faire aussi bien qu’eux et ils avaient fini par croire que j’étais ‘normal’ !
Débarrassé de ma peur j’ai même osé me lancer dans la pratique du parapente et le pilotage de montgolfières, découvrant une autre ‘révélation’ : la peur du vide est engendrée par la relation avec le sol. Depuis un balcon du 5ème étage, votre vue longe la façade jusqu’au sol. Vous avez des picotements dans les jambes. Vous avez peur ! Vous montez sur une échelle, vous vous tenez avec les deux mains, et si vous ne regardez que la façade devant vous je ne dis pas que vous êtes à l’aise mais adieu les fourmis dans les mollets. Au rebours, si vous regardez le sol, la hantise du vide vous rattrape par le biais de l’échelle. Vous avez peur !
Vous appréhendez votre première ascension en montgolfière et annoncez votre ‘vertige’ au pilote. Etant aux manettes, c’est moi qui rassurais les autres… « Vous avez déjà pris l’avion et, après l’appréhension du départ, vous avez regardé par le hublot et sans référence vous reliant au sol, vous avez apprécié le magnifique paysage. Vous avez vaincu votre peur ».
Les ascensions en montgolfière, c’est moins courant mais c’est génial, que vous soyez passager ou pilote. J’ai terminé ma carrière d’aéronaute mais me souviens que quand nous faisions des activités en ‘captif’ j’avais des sensations différentes qu’en vol libre. Nous jouions à l’ascenseur, retenus au sol par des cordes à une hauteur de 40 mètres et j’étais bien placé pour rassurer mes passagers, leur disant que c’est la vue des cordes qui donne cette notion de hauteur ! Si vous les aviez vu cesser de regarder le sol pour fixer le paysage au loin…
Tiens ! Le paysage au loin… nous préparons le camping-car pour rejoindre, dans quelques jours, la Méditerranée puis l’Atlantique, à quelques encablures de Palos de la Frontera, d’où appareilla, un beau matin d’août 1492, un certain Cristoforo Colombo, pour découvrir ce qu’il pensait être les Indes…
Depuis plusieurs mois, je partage avec vous les vicissitudes de ma vie avec un seul œil valide, utilisant l’expression la plus courante pour me situer : borgne ! Mais un individu à vision monoculaire qui, par complexe ou pudeur, refuserait le mot borgne, peut se faire appeler monophtalme vrai, amblyope unilatéral ou même monophtalme fonctionnel.
Sans oublier les nystagmus ou le syndrome du monophtalme congénital !
On a le choix… d’où ma décision de changer le titre de mon manuscrit, qui est devenu, de manière plus ‘vendable’
Ma vie en monovision !
Je répète à mes fidèles lectrices et anciens lecteurs que ce manuscrit est susceptible de contenir des histoires que vous avez peut-être déjà lues autre part : il y a longtemps sur les réseaux sociaux, ici même sur mon blog ou dans d’autres publications. Merci de votre indulgence, qui me permettra de souhaiter la bienvenue à mes nouvelles amies et nouveaux amis !
Alors que mon récit avait encore vocation à être édité, j’avais pensé à un titre du genre
Le cyclope qui pensait avoir deux yeux et qui a réussi sa vie avec un seul !
C’était un ‘clin d’oeil’, c’est le cas de le dire, à Arto Paasilinna, le truculent écrivain finlandais !
Mais, au fait, un cyclope… c’est quoi ?

Le Cyclope
Tableau de Odilon Redon (entre 1898 et 1900 -1914)
J’ai fait quelques recherches, alors attention, cramponnez-vous, c’est du lourd…
Les cyclopes sont des créatures fantastiques de la mythologie grecque, des monstres géants n’ayant qu’un œil au milieu du front, sortis de l’imagination populaire qu’on peut expliquer par une réalité d’alors : la naissance de bébés souffrant d’holoproencéphalie, une malformation congénitale du cerveau et de la face, provenant d’une séparation incomplète des deux hémisphères et parfois des deux yeux. On parle alors de cyclopie. Lire ce genre d’information me rend heureux de n’être « que » borgne !
De plus, il paraît que les Cyclopes de l´Odyssée étaient des rustres asociaux et impies, une autre bonne raison de supporter mon infirmité avec le sourire !
Laissons la mythologie et revenons à la borgnitude, avec des citations n’émanant pas de n’importe qui :
À l’encoignure, une sorte de café borgne s’ouvrait, le soir, aux gens du peuple et aux matelots. Guy de Maupassant (1850-1893)
Il y avait encore, dans la même hôtellerie, une servante asturienne, large de face, plate du chignon, camuse du nez, borgne d’un œil et peu saine de l’autre. Miguel de Cervantès Saavedra (1547-1616), traduction Louis Viardot (1800-1883). Note personnelle : Vous avez bien lu : Miguel de Cervantès… qui n’est autre que l’auteur de Don Quijote. Je vous l’avais dit : Pas n’importe qui !
Heureusement c’était un café borgne, où je ne devais rencontrer aucune personne de mon rang. George Sand (1804-1876) A peine prétentieuse la Baronne Dupin de Dudevant, la ‘cops’ à Chopin !
Rue au beurre, au fond d’un cabaret borgne, où clignotait une chandelle, elle n’aperçut que deux turcos ivres, avec une fille. Émile Zola (1840-1902) Oui, l’auteur de ‘J’accuse’ lui-même !
Et quelques définitions du Dictionnaire universel d’Antoine Furetière (1690 !)
Borgne, se dit figurément d’un lieu obscur & mal éclairé. Un cabaret borgne, c’est un méchant cabaret. Une maison borgne, est celle dont on a bouché les « veuës ».
On dit aussi, un compte borgne, pour dire, opposé à rond. On m’offre 295 L.&10 s. de cette dette, c’est un compte borgne, j’en veux cent « escus », c’est un compte rond.
Voilà bien visé pour un borgne, pour se ‘mocquer’ des tireurs maladroits, parce que, selon les ‘médecins’, on voit mieux, plus droit & plus loin d’un ‘oeuil’, que quand on se sert des deux, ensemble.
C’est vrai que la visée se fait avec un œil fermé. Dans un prochain chapitre je vous parlerai du tir, ce sport-hobby dans lequel je n’étais pas mauvais. Pour une fois qu’un borgne serait avantagé...
Au sujet de la voiture autonome
Celles et ceux qui ont suivi mes récentes publications sur les voitures des années 50-60 connaissant ma passion pour les vraies voitures, d’où le titre de mon second blog : Au temps des automobilistes ! C’est vrai que j’ai aimé la ‘bagnole’ et que j’étais incollable pour reconnaître chaque modèle de chaque marque, jusqu’au moment où les machines modernes sont devenues tellement semblables qu’on les croirait clonées. De plus, ce ne sont plus que des objets à rouler, à se déplacer, à transporter, à se connecter, réduisant les conducteurs à la portion congrue d’opérateurs de conduite. Tout le monde ne participe pas aux 24 Heures du Mans, tout le monde tient à garder son permis, donc on ne pilote plus sur les routes, ce qui est bien pour la sécurité des autres mais a enlevé tout le plaisir de conduire.
Mon ancienne passion s’est alors transformée en réflexions sur la voiture particulière, son avenir… même sa survie, ce qui nous emmène inévitablement à parler de la voiture autonome. Le sujet est vaste, plein de controverses et de propos enflammés pour ou contre. Qu’on le veuille ou non, nous ne pourrons pas toujours ‘botter en touche’ pour éluder le sujet. La voiture autonome est un thème sur lequel travaillent tous les bureaux d’étude des constructeurs. On aime, on n’aime pas, mais nous serons forcément confrontés à ce sujet. Alors pourquoi ne pas réfléchir à ce qui nous attend ?
Laissons les essais se faire, et pas seulement pendant quelques semaines, comme ce fut le cas pour un fameux vaccin (!) mais pendant des années, en respectant un point essentiel : tous les trajets sur routes publiques doivent être faits sous le contrôle d’un humain hautement qualifié, capable de reprendre les commandes au moindre incident. On parle de chauffeur passif !
L’histoire qui va suivre est malheureusement démoralisante… Chacun se fera son idée.
Une femme a été renversée mortellement en Arizona par une voiture autonome en cours d’essais. Faut-il tout remettre en question?
Moi je dis non!
Qu’on accepte ou pas l’idée de la voiture autonome, il faudra bien envisager un changement radical des transports routiers individuels. Et il reste du boulot !
Répétons que les essais dans le trafic doivent être réalisés sous contrôle humain.
Nous savons que la piétonne poussant son vélo, tuée en traversant une autoroute à quatre voies, avait un très lourd passé délictueux et carcéral. Connue comme droguée, elle était pressée de rejoindre un camp de sans-abris tout plein de bons ‘remontants’, n’hésitant pas à prendre le chemin le plus court, même de traverser une ‘highway’ à pied, de nuit pour atteindre le ‘nirvana’. Quant à la conductrice passive (très passive dirais-je) de la voiture autonome , elle avait obtenu le job à sa sortie de 5 ans de prison pour vol à main armée (oui, vous avez bien lu !) mais les autorités de l’Arizona aident ces ‘braves gens’ à se réinsérer.

Restez encore un peu, ce n’est pas fini ! L’enquête a été très minutieuse, les ‘boîtes noires’ de la voiture analysées, les vidéos vues et revues. Rafaela Vásquez, c’est le nom de cette ‘responsable de la sécurité’, a utilisé son téléphone alors qu’elle avait l’obligation de maintenir en permanence ses deux mains sur le volant. Comme on la voit regarder de manière prolongée le tableau de bord, les enquêteurs ont demandé aux compagnies Netflix, Hulu et You Tube de leur fournir l’historique de la conductrice.
On sait maintenant qu’elle regardait The Voice sur son ‘smart’ ! Alors, les opposants aux essais de voitures autonomes, vous avez d’autres questions ?
Au fait, pourquoi vous ai-je importuné avec une affaire qui n’a rien à voir avec ma vie de borgne ? Juste pour rappeler que les monoculaires sont bien obligés d’être plus attentifs au volant, vigilants et concentrés, en tout cas bien plus que l’irresponsable de ce drame.
Dans une autre vie, je serai conducteur passif ou, pourquoi pas, responsable des essais de voitures autonomes !
Allo oui j’écoute!
Avis à la population !
A la télévision, me dit-on, ils ne se gênent pas de republier chaque année des ‘vieilleries’ en périodes de fêtes. Je ne célèbre pas ‘les fêtes’ mais m’accorde parfois quelques semaines de vacances. Souffrez donc que me répète aussi avec un ‘replay’ de ce ‘best of’… comme ne le disait pas Molière.
Et si on parlait du téléphone portable ?

Ma vision monoculaire est certainement la cause de mon aversion pour l’indispensable gadget à la mode, surtout depuis qu’il est devenu ‘smart-gadget’. Toute ma vie de borgne, j’ai dû apprendre à gérer la mise au point de ma focale pour apprécier la profondeur de champ, les distances, les volumes, les reliefs, les dépressions du terrain, un travail de chaque instant. Alors vous comprendrez que je sois très réticent quand vous me demandez d’apprécier (vous avez dit apprécier ?) vos photos sur le grotesque écran de votre ‘machin’.
Non, non… et non ! Voir cette piètre image ne convient tout simplement pas à un habitué de l’écran Mac de 21 pouces. De plus, j’ai un ‘passé’ professionnel dans le monde de l’édition et je pense que ceux de mon époque ne pourraient jamais accepter la vision d’une si calamiteuse surface, pour n’y voir que… comment qu’y disait déjà Jean-Pierre Coffe au sujet de la bouffe ? De la meeeerde !
J’ai retrouvé un texte que vous avez peut-être lu.
L’écran des premiers téléphones ‘mobiles’ avait la dimension d’un timbre-poste, puis de 2 et de 4 timbres, pour maintenant dépasser 6 pouces, soit une quinzaine de cm, ce qui nous rapproche du XIXème siècle et des dimensions de l’écran de cinéma des frères Lumière, bref le Perpetuum mobile… à l’envers. Lire sur un téléphone portable, que ce soit la Bible, le dernier Goncourt ou… le blog d‘akimismo’, c’est aussi incongru, ridicule, contre nature que
- Manger un Tournedos Rossini en buvant du Coca Cola
- Mettre des glaçons dans un verre de Romanée Conti
- Refuser une invitation chez Bocuse, pour se taper un MacDo
- C’est surtout aussi grotesque que de faire l’amour, debout contre un sapin, un jour d’hiver, par moins 15° !
Bon, salut ! On s’appelle quand t’auras fini de lire les oeuvres complètes de Molière sur ton bidule…
Je n’ai ni téléphone fixe, ni mobile, un comble pour quelqu’un qui a appris à téléphoner dans sa jeunesse. Je dis bien : j’ai appris à téléphoner et je vous raconte l’histoire, ça nous changera des jérémiades d’un écorché vif…
C’était à l’école primaire de mon village. J’avais 9 ou 10 ans, la compagnie nationale des téléphones venait en classe avec des caisses de matos et tiraient une ligne provisoire depuis l’épicerie qui avait un des trois téléphones du patelin. C’était dans les années 50, la séance commençait par la manière de tenir le ‘bigophone’ et de composer le numéro sur le cadran tournant, en le laissant bien sûr revenir à son point de départ sans le forcer. On insistait sur la concision et la clarté de parole pour ce nouveau moyen de communication (ces visionnaires avaient-ils prévu la logorrhée permanente que nous allions subir 70 ans plus tard ?).
Ce récit concerne un pays où, en 1959 déjà, les derniers centraux téléphoniques manuels avaient été abandonnés au profit de systèmes de connexion entièrement automatiques, même dans les villages les plus reculés, alors que d’autres pays dits civilisés en étaient encore, 25 ans plus tard, au « Vous pouvez me passer le 22 à Asnières ? »
Les ‘cambe gouilles’ !
J’ai découvert une autre manière de ‘pratiquer’ la moto
Avec mes affectueuses excuses pour ceux qui ont déjà lu ce texte et surtout pour une amie motocycliste passionnée et pratiquante. Elle me pardonnera de republier un article qu’elle connaît déjà en guise de voeux de bon rétablissement!

1985. Au guidon de ma Kawa 1000 RX, j’arrive chez ‘ma fiancée’ du moment et tombe en pleine réunion d’amis de la famille avec leurs motos de cross ou de trial. Excusez-moi de ne pas savoir faire la différence entre ces deux catégories…
A cette époque il y avait pas mal de sectarisme chez des motards : je faisais partie des « bitumeux », ceux qui frôlent le goudron avec le genou. Il y avait aussi les « voitures à deux roues » genre Harley Davidson Super Glide 1200 (avec disco stéréo !) ou Goldwing 1800 (6 cylindres et marche arrière !) plus les ‘custom’, ‘chopper’ et’ bobber’ récemment arrivés sur le marché, directement des États-Unis. Les fans d’Hailwood et Agostini, nommions « branleurs » ces ‘extra-terrestres’, surtout ceux en position de crucifiés sur leurs ‘drôles de machines’.

Il y avait un clivage violent entre les pratiquants de la moto. Heureusement les choses ont changé, les motocyclistes se respectent plus qu’il y a 40 ans.
Depuis la commercialisation des bécanes de terrain, les routes sont envahies par ces motos dont nous nous moquions, nommant les pilotes péjorativement « cambe gouilles ». Un peu d’étymologie : « Camber » signifie ‘enjamber’, surtout autour du bassin lémanique, Haute Savoie, Suisse et même jusqu’au Lyonnais. Une « gouille » est un terme qui nous vient de l’ancien français ‘goille’ signifiant flaque d’eau, bourbier, encore usité en Savoie, au Bugey et en Romandie !
Revenons à ma bande de ‘cambe gouilles’ !
« T’as pas envie d’essayer une ‘vraie moto’ ? »
« Jamais pratiqué mais… »

« Essaie cette Yamaha TY 250 mais commence par changer ton ‘machin’ de cosmonaute pour un casque ‘normal’ que nous te prêtons ! »
Je monte sur cette bécane pesant 95 kilos… juste 170 de moins que ma Kawa !
Le chef donne les consignes : nous faisons des ‘zones’ de 20 minutes et pour le ‘nouveau’ j’explique : « Après 5 minutes, rien ne se passe, 5 minutes d’activités bruyantes plus tard les vernaculaires commencent à râler. Cinq minutes après ils appellent la police à qui il faut au moins… 5 minutes pour intervenir. Trop tard car 5+5+5+5 égalent 20 minutes et nous sommes déjà dans la ‘zone’ suivante ».
Moteur ! Pour la suite, rien à cacher, j’abrège : j’ai été mauvais !
Première montée virile. J’entends « Mets la 2ème ou la 3ème et : Gaz à fond ! Penche-toi bien en avant sur le guidon ! »
Je choisis la 2ème et, comme l’a dit le chef : poignée dans le coin ! » A l’aise pendant les trois quarts de la montée je me prenais ‘en même temps’ pour Joël Robert, Stefan Evert et Jean Michel Bayle mais à l’amorce du 4ème quart très pentu je n’étais plus qu’un ‘conardus répandus’ dont la moto avait fait un looping arrière complet au-dessus de ma tête. On m’a récupéré au bas de la piste, penaud et crotté, avec une TZ un peu cabossée, roue voilée et chaîne cassée net ! Réparation artisanale au fil de fer avant l’échéance des 20 minutes de cette ‘zone’, un passage de rivière sur une poutre de 2.5 mètres de long et de 35 cm de large qui avait nécessité l’aide d’un collègue pour faire traverser la moto du débutant (J’avais oublié de leur dire que j’étais borgne !) et fin de mon aventure ‘hors des sentiers battus’. Mais au moins je ne me suis pas dégonflé, me suis fait des amis sur deux roues, même que depuis ce jour j’ai un peu moins parlé des « cambe gouilles ».
Mais non, juste la certitude d’avoir raison, parfois même avec un peu d’arrogance et de mauvaise foi !
J’ai été motard pendant des années et vous raconte ma rocambolesque obtention du permis de conduire, un texte déjà publié dans mon blog, avec mes excuses pour les anciens qui pensent que je radote !
En 1960, je m’inscris pour l’examen théorique du permis de conduire moto. La veille je compense l’absence de leçons d’auto-école par une tournée des bars et me retrouve, sans avoir dormi, pas très net à la salle d’examen.
Le test se passait alors au moyen de maquettes représentant des carrefours, des signaux miniature et de petites voitures genre Dinky Toys. L’examinateur s’énerve : « C’est trop lent… il s’agit d’un examen pas d’une leçon d’auto-école, et… au fait, avez-vous suivi des cours ? » La gueule de bois me donnant du culot, j’opine « Bien sûr, cinq heures ! » et je cite au pif le nom d’une auto-école dans laquelle je n’ai jamais mis les pieds. Je suis lent mais ne fais pas de fautes. On passe au contrôle de la vue.

Après m’avoir demandé de m’obstruer un œil avec une main, l’autre tenant une réplique des figures, l’examinateur pointait le tableau qu’on voit à droite:
Passons à l’autre œil… mais je n’avais pas de certificat médical pour la vision monoculaire, insouciante jeunesse ! Je change de bras mais obstrue, de manière discrètement croisée une deuxième fois… le mauvais ! Ni vu ni connu, et je sors avec un document attestant ma «capacité à préparer l’examen pratique!». Trente années plus tard, dans un bistrot de la région, je rencontre l’examinateur, à la retraite depuis belle lurette. Je lui raconte la supercherie du jeu de bras sur mon œil borgne. Ce personnage élégant, qui jusque-là me vouvoyait, m’apostrophe : « Salopard, t’es une crapule !» La fin de cette histoire s’est diluée dans quelques verres de Chasselas et d’hilarité.

Depuis le temps que je vous parle de ma Kawasaki 1000 RX, voici enfin une photo de mon « aspirateur à minettes ». Du reste on voit la dernière à s’être fait’ aspirer’. La dernière? Oui, car elle se nomme Cornelia, ma femme depuis 29 années!
Forte tête, moi?
Une autre histoire de moto ? Bon, d’accord !
Je traversais le Tunnel du Mont-Blanc au guidon de ma Kawa 1000. Arrivé à la sortie de Courmayeur, je suis interpellé par la Police nationale française, qui officiait de l’autre côté du tunnel. « Permis de conduire, carte grise et… retirez votre casque ! » J’obtempère. « Vous n’avez pas été souvent à votre place dans le tunnel ! » Je joue au con: « Ah ! Parce qu’il y a une place réservée aux motos ? » « Ne faites pas le malin. Nous vous avons suivi avec nos caméras et vous avez presque continuellement dépassé la colonne de véhicules en ignorant la ligne blanche et roulant à plus de 100 km/h au lieu des 80 autorisés ! »
Ma réponse, parfaitement préparée tant j’étais certain de l’intervention qui m’attendait, puisque je circulais avec deux béquilles dépassant de mon sac à dos, et que j’avais un pied dans le plâtre : «J’ai lu dans une note officielle que les équipes d’intervention dans le tunnel ne devaient pas y passer plus de 4 minutes sans porter un masque respiratoire avec oxygène… Expliquez-moi comment un motocycliste pourrait survivre pendant 9 minutes, temps nécessaire à un passage du tunnel de 12 kilomètres à la vitesse réglementaire de 80 km/h ? Et j’ajoute, de manière arrogante : Donc si vous n’interdisez pas purement et simplement les motos dans le tunnel, vous devez accepter qu’on dépasse les 80 km/h pour échapper à la mort par asphyxie au monoxyde de carbone »
Je vous livre la réponse du gradé, en me rendant mes documents : « Bon, ça ira, mais une autre fois faites tout de même attention !
Fernand Raynaud aurait dit: Chuis pas un imbécile, chuis gendarme!
Service militaire et protection civile !
Contestation depuis l’intérieur !
Les citoyens suisses mâles et majeurs font 18 semaines d’armée obligatoire. Les inaptes sont incorporés dans la Protection Civile.
On me dit antimilitariste… ce n’est qu’à moitié vrai puisqu’à 18 ans j’ai suivi à titre volontaire, pendant 2 années, les cours du soir préparatoires de l’armée pour une formation de radio télégraphiste de bord dans l’aviation militaire. Borgne, on m’a exclu de la ‘grande muette’. Adieu les di di di do di do morse, les grands vols au-dessus des Alpes, l’ascension aux grades les plus élevés (!) et donc recrutement automatique pour la Protection civile.
Je reçois une convocation pour « chefs locaux du secteur AOL ». Hein ? Qué ? Quoi ? Il paraît que je suis responsable AOL dans mon village ? Ah bon…. Chef Alarme Observation Liaisons ‘akimismo’ : au rapport !
On nous parle Ohm, Watt, impédance, cage de Faraday, diodes, volts et ampères, courant fort, faible, alternatif, continu et liaisons non hertziennes… Au vu de l’apathie générale, un conférencier demande : « Vous êtes bien sûr tous techniciens ou ingénieurs en courant fort ? » Il y en avait 3 sur 25. Les autres ? Comme moi : employés de bureau, menuisiers, juristes, vendeurs à Carrefour ou maçons ! Excuses des chefs, attributions des indemnités, souhaits de bonne continuation et dislocation.
Quelques années plus tard, nouveau domicile et convocation pour un cours préparatoire de la Protection civile… Merde ça recommence !
Je proteste par écrit que borgne je ne veux prendre aucun risque dans une entreprise dont, de plus, je ne partage pas la philosophie ! Le lendemain déjà, appel téléphonique du grand chef : pouvez-vous passez à mon bureau… vous savez bien où il est situé ! Facile, son bureau est en face de mon lieu de travail et je n’ai qu’à traverser la rue. Il m’accueille en mode ‘caresse dans le sens du poil’ : cher monsieur, bla bla bla et re bla bla bla… Je vous observe parfois et sais que vous êtes un meneur d’hommes (c’est vrai que dans l’entreprise j’étais fondé de pouvoir et directeur des RH). ‘Vous partagerez bien un verre de vin de la Commune de Lausanne ?’ Puis, me la jouant Lieutenant Colombo : Encore une chose, vous avez un permis de conduire et si la PC vous fait peur, avez-vous envisagé les dangers de la voiture… Ne le prenez pas mal, ce n’est que manière de causer.
Un autre verre ?
Vous avez compris le piège et je suis devenu chef local d’une commune, avec des cours de formation dans plusieurs centres PC. Plus de 60 jours de service…
Récupéré par le système ? Pas vraiment, puisque j’ai mis en pratique la contestation depuis l’intérieur de cette organisation mal gérée par d’incapables fonctionnaires, presque toujours d’anciens militaires ! Bien sûr sans ouvrir ma gueule dans les bistrots, ce qui aurait été aussi stupidement inutile que les représentations en ‘uniforme jaune’ dans les rues et sur les ronds-points d’un pays de forme hexagonale. A noter que c’est probablement cette forme hexagonale qui empêche ce pays ami de tourner rond !
Pendant plusieurs années j’ai parasité la Protection civile depuis l’intérieur, avec l’appui politique d’un conseiller municipal de ma commune, décidant de ne pas équiper les abris anti-aériens privés avec des lits et autres gadgets inutiles, de n’entreprendre aucun aménagement, de ne pas former de nouveaux membres de la PC et de refuser tous les ordres de la capitale. La tactique du loup dans la bergerie !
Convocations, lettres recommandées, envoi de médiateurs, menaces aux autorités municipales… Rien n’y a fait et ma commune a échappé à cette stupidité d’équipement des abris individuels, en économisant plusieurs centaines de milliers d’euros !
Puis on a regroupé et on a cessé d’obliger les communes à faire ce genre de conneries. Mais toutes avaient obtempéré… sauf la mienne, j’en suis assez fier!
Stress et 3 D !
Après pas mal de digressions ces derniers temps: covid, Najat, fumée, vaccins, interludes, Hammerfest, mon chien Nico, l’Atlantique… j’avais presque oublié que mon propos initial était de vous raconter ma vie d’amblyope… Reprenons donc le déroulement de mon manuscrit. Précision: ce sera en mode télétravail puisque nous sommes toujours au bord de l’Atlantique!

Merci d’être restés en ligne et de m’avoir attendu pendant mes divagations!
Une vie de stress, de bouffées d’adrénaline et une question :
En fait, c’est quoi la 3D ?
J’ai traversé l’existence dans un stress permanent, mais sans n’y avoir jamais attaché trop d’importance. Tout défilait, tout était compliqué, tout me marginalisait, mais me paraissait ‘normal’, je me sentais même comme tout le monde. Ceux qui n’ont pas été confrontés à une vision ‘à plat’, doivent penser que la 3D est la norme. Au rebours, je n’ai jamais vu les choses en relief, devant machinalement compenser ce handicap de monophtalme. Ce n’est que maintenant, passé les ‘4 x 20 balais’, que je prends totalement conscience de la particularité de mon système visuel… les mauvaises langues diront: C’est le moment!
Le goût de la perfection, de ne rien laisser au hasard, d’essayer d’être parmi les meilleurs, m’a détourné des questions que j’aurais pu me poser. Dans mon subconscient (je devrais dire dans mon inconscient) je n’avais pas vraiment accepté de me plier aux contraintes de la monovision.
Et c’est tant mieux pour tout ce que j’ai entrepris, et généralement réussi. Un peu plus de conscience m’aurait terrorisé et détourné d’activités souvent dangereuses, normalement interdites à un borgne. Si j’avais pensé aux réalités je n’aurais pas vécu ! Pour une fois qu’on peut glorifier l’inconscience…
Bonne occasion de répéter une phrase entendue aux funérailles de Joseph Siffert, un ami pilote de Formule 1 tué en course. Dans son homélie, l’officiant à la cathédrale de Fribourg avait dit : « Où il y a le risque il y a la mort… où il n’y a pas de risque, il n’y a pas de vie ! ». Une maxime que j’ai faite mienne… ça vous étonne?
Depuis le début de cette biographie, j’évoque la vue en relief. Il est grand temps de préciser certains détails : le monde est en trois dimensions, mais qu’est-ce que ça signifie exactement ?
Simplifions ! Il y a les figures ‘monodimensionnelles’, faites de points et des lignes, celles en deux dimensions, qui sont les surfaces et enfin les figures en trois dimensions (la fameuse 3D) qui sont les volumes.
Essayons d’y voir plus clair.
Les images que vous regardez sur papier ou sur votre écran sont en mode ‘à plat’. A ce stade des recherches, il est encore impossible d’y représenter réellement une figure en relief. Si un jour on découvre cette possibilité, elle sera probablement réservée à ceux qui ont… deux yeux! On devra donc encore patienter, en utilisant un effet de pseudo perspective, avec des zones d’ombre et de lumière, différentes nuances de couleurs et des dégradés, comme le montre cette image qui est en 2D, mais que vous voyez comme un objet en 3D.

Et là, pour une fois, je suis normal et détecte ce pseudo relief, comme vous ! Mais ‘vous’ pouvez voir des vrais objets tridimensionnels : il vous suffit de lever quelques secondes le nez de votre représentation graphique et de regarder… vous en êtes entourés ! C’est là je retombe malheureusement dans la ‘différence’. C’est le serpent qui se mange la queue, la 3D n’étant perceptible qu’avec deux yeux.
Je vous en ai déjà parlé dans mon chapitre sur la parallaxe:
https://wordpress.com/post/akimismo.wordpress.com/5090
En fait, chaque oeil enregistre la même image, mais sous un angle de vue différent. Et le cerveau, cet exceptionnel ordinateur, fait la synthèse des deux points de vue et les restitue en image 3D.
Ite missa est !
Tiens! une image que je perçois parfaitement avec un seul oeil. Il m‘a juste suffit d’en apprécier le relief en le prenant dans mes mains… et il y a même eu «plus selon entente»!

Vous voulez partagez avec moi ?
J’affirme que l’amblyopie est un handicap impossible à partager. Vous voulez des détails ?
A la suite de mon récent chapitre sur la 3D, une amie m’a dit qu’en fermant un oeil elle voit tout de même les reliefs. Elle trouvera l’explication dans la suite de mon texte, qui était déjà écrit avant son aimable intervention. Un prétexte pour avancer ma publication. Dont acte!
On me dit parfois : « J’ai fermé un œil pour ressentir les effets de ta vision monoculaire ».
J’interromps ipso facto mon interlocuteur : Vous ne pouvez pas ‘ressentir’ ce genre de sensations puisque tout ce que vous voyez en obstruant un œil, vous l’avez déjà vu, toute votre vie, avec une vision normale. Grâce à la profondeur de champ vous connaissez les reliefs des choses, le profil de vos interlocuteurs et les distances entre les objets.
On me reproche souvent de ne pas reconnaître les gens. Avez-vous pensé à l’importance ‘du relief’ d’un visage ? Vous avez des critères de reconnaissance optique qui me manquent : longueur du nez vu de face (eh oui !), pommettes saillantes ou non, profondeur des cavités oculaires, inclinaison du front et même ‘pulposité’ des lèvres… (‘pulposité’ est un néologisme ‘maison’, ne le cherchez pas dans le Petit Robert). Vous n’avez probablement jamais associé la profondeur de champ à la reconnaissance faciale. Les ingénieurs qui travaillent au développement de l’intelligence artificielle, technologie d’avenir, ne pensent qu’à ça !
Pour comprendre la vision monoculaire, il faudrait avoir recours à une astuce utilisée dans les écoles d’architecture : des espaces recréant des habitations pour en expérimenter la viabilité. Il faudrait construire un environnement provisoire où tout serait réduit, « ou augmenté », disons de 2 ou 3 dixièmes: dimension des meubles, des parois, du plafond, des sols, fenêtres et portes. Vous faites entrer un cobaye à qui on a obstrué un œil et il aura le même comportement que moi dans toute nouvelle situation. Il aura juste l’air d’un ahuri malhabile !
Vous aimeriez savoir ce que ressent un borgne ?
Vous n’y arriverez pas, c’est avéré !
Contentez-vous donc d’apprécier votre vue ‘normale’, un cadeau de la nature, c’est un amblyope qui vous le dit, en espérant que votre système de vue ne se réduise pas de moitié car vous seriez dans une situation que je n’ose pas imaginer. La monovision de naissance n’est déjà pas une sinécure, alors la perte d’un oeil en cours d’existence… Pfffffffffff!
Quelques détails chiffrés en conduisant : Alors que vous avez une vue stable et panoramique sur la route, un borgne doit ‘balayer’ de gauche à droite avec son œil valide, consulter le rétroviseur et jeter un coup d’œil anticipé au loin. Et à chaque mouvement des yeux, retour sur la portion de route proche avec une nouvelle focalisation, sans oublier le coup d’oeil au tableau de bord pour surveiller la vitesse. Pour certaines courbes prononcées, le balayage oculaire, avec chaque fois une nouvelle focalisaion, atteint des chiffres ahurissants : 20 à 30 fois par virage ! Avant d’écrire ce texte, j’ai vérifié ces chiffres à de nombreuses reprises sur une petite route régionale assez sinueuse mais peu fréquentée, que je parcours souvent :
Je change de focalisation 460 fois en 8 km, donc près de 60 fois au kilomètre, sans compter les mouvements de tête pour que mon œil valide de gauche puisse obtenir les informations du rétroviseur de droite !
Ma vie au volant : 2’600’000 kilomètres multipliés par 60 ce sont plus de 160’000’000 (oui 160 millions) de mouvements oculaires.
Mesdames ! Si dans ma vie de conducteur (soixante-deux années de permis) j’ai cligné plus de 2.5 millions fois par an pour voir ma route… je vous laisse imaginer le nombre de clins d’œil générés par mon fameux Schlaf Zimmer Blick pour vous mes chéries…
Un borgne doit tout analyser, tout prévoir, tout envisager, tout mesurer… tous les jours, toutes les heures et même plus souvent !
Il y a longtemps que je n’ai pas ajouté une petite pensée à mes textes. Permettez-moi de me ‘citer parmi’ car je ne sais pas si ‘autociter’ fait déjà partie du dictionnaire…
Un borgne a plus de facilités à transmettre son savoir que quelqu’un à la vue normale. Je vous entends marmonner quelques objections et je vais démontrer ce que je crois être avéré : Tout ce que j’ai appris fut à force de concentration, analyse, raisonnement et compréhension des moindres détails, donc pas de place pour l’instinctivité. C’est pourquoi il m’est plus facile de trouver les mots et les gestes pour l’enseigner aux autres.
Norbert Duvoisin, Prof de ski pendant plus de 30 années
Nous ne sommes ni uniques ni seuls !
Vivre avec sa ou ses différences !
Je ne suis pas le seul borgne au monde… une bonne occasion de solliciter l’aide de Monsieur Wikitruc et de Madame Gogolita pour connaître les plus célèbres monoculaires, et ils sont nombreux. J’espère que le succès de mon manuscrit me fera rejoindre la liste des borgnes fameux.
Il n’est pas interdit de rêver !
Je dédie ce chapitre à tous ceux qui sont différents et qui recherchent le contact avec des gens différents, correspondant à leur différence, comme dans cette chanson de Jean Nohain de l935 :
« Quand un vicomte, rencontre un autre vicomte, qu’est-ce qui s’racontent… des histoires de vicomtes ! »
Ray Ventura et ses collégiens l’ont rendue populaire, (l’un des guitaristes n’était autre de Sacha Distel. Non, les gamins, ce n’est pas un des Rolling Stones) !
Vous me voyez venir : après les vicomtes, les marquises, les gendarmes et les vieilles tantes pourquoi pas les borgnes ?
Ray Ventura n’est plus là pour les chanter, alors je prends la liberté de vous en parler.
Commençons par l’Amiral Nelson, fameux pour avoir ‘fichu une déculottée’ à l’Invincible Armada espagnole à Trafalgar en 1805. Il avait perdu un œil au siège de Calvi en Corse puis un bras emporté par un boulet de canon à Santa Cruz de Tenerife et, à Trafalgar, il y laissa sa peau. On peut dire que ce marin soldat est parti en pièces détachées !
Un autre monoculaire fut Hannibal, celui qui a traversé les Alpes avec 37 éléphants pour ‘mettre la pâtée’ aux Romains.
Et puis, Français mes amis, vous souvenez-vous de Léon Gambetta l’un de vos présidents du Conseil dont de nombreuses places publiques portent encore le nom ? Il n’avait qu’un œil valide, comme le président de la république Vincent Auriol.
Il y eut aussi quelques borgnes plus… ou moins fréquentables : Moshe Dayan, Theodore Roosevelt, Jean-Marie Le Pen, même le mollah Muhammad Omar, un chef taliban et Hun Sen, premier ministre cambodgien, ex-chef des khmer rouges.

Heureusement qu’il nous reste le sourire des Pieds Nickelés. Les anciens se souviennent de cette bande dessinée de Louis Forton (1908) avec Croquignol au long nez, Ribouldingue le barbu et Filochard… le borgne !

Peut-on régénérer un œil invalide avec des épinards ?
La réponse est non, c’est Popeye le marin borgne qui me l’a dit !

Encore incommodé par la fumée de l’incendie de Notre Dame de Paris j’ai failli oublier le célèbre Quasimodo, qui cumulait les malformations : borgne, il était aussi bossu, sourd, et boiteux. Ce personnage de Victor Hugo a été magistralement interprété au cinéma par Anthony Quinn en 1956 aux côtés de la splendide Gina Lollobrigida.
J’ai gardé cinq célébrités monoculaires pour terminer ce chapitre :
Le cinéaste Fritz Lang qui, en 58 ans de carrière dans le 7ème art a réalisé 142 films et remporté 7 Oscars !
Brigitte Bardot, amblyope de l’œil gauche, on le sait peu. Moi c’est l’oeil droit… BB aurait pu être ma moitié !

Le Dr Helmut Marko, un des patrons de l’écurie Red Bull en Formule 1. Il a disputé 9 Grands Prix et remporté les 24 Heures du Mans. Il a perdu un œil suite à une projection de pierre au GP de France 1972 sur le circuit de Charade.
L’acteur Johnny Depp qui plaît paraît-il aux jeunes filles, vient de révéler un secret gardé pendant plus de 40 années : il est borgne ! A ce sujet, il explique : « À un moment, il faut lever le pied et se concentrer sur le simple fait de vivre sa vie ». Un aphorisme qui me convient !
Enfin, mon porteur d’œil de verre préféré : Peter Falk, le légendaire Lieutenant Columbo avec sa Peugeot 403 décapotable, son par-dessus élimé et… ‘Le chien’ !

Je n’ai jamais eu de 403, ne porte pas de par-dessus mais nous avons eu quelques bassets. Que de bons souvenirs.




Que fait la police ?
La police ? Bonne question, à laquelle, oui je peux répondre !

Nous sommes en 1960. J’ai 19 ans, titulaire de ce qu’en France on nommerait un Bac Pro (!), appelé dans mon pays Certificat fédéral de capacité d’employé d’administration (l’E.N.A. du pauvre !) j’inaugure une fonction qui vient de se créer : Secrétaire à la Direction de Police d’une ville de 20’000 habitants.
Je m’intègre rapidement dans cette ‘organisation’ (de fait un peu désorganisée !) qui avait imaginé que les nombreuses tâches qu’on m’avait attribuées seraient difficiles à assumer.
Tu parles…
En quelques heures j’avais fini mon boulot de la journée, ce qui me laissait du temps pour aider mes collègues en uniforme, peu à l’aise avec la rédaction et la dactylographie. J’abusais aussi un peu des passages au bistrot voisin. Vous commencez à savoir pourquoi j’ai une petite idée sur la pénibilité du travail des fonctionnaires…
Mais surtout, j’avais du temps libre pour participer aux entraînements des policiers au stand de tir de la commune.


Le tir est une passion pour moi (oups !) mais… sachant que c’est un sujet délicat, je m’en tiendrai au tir sportif, n’entrant pas en matière sur la détention d’armes, l’autorisation de les porter… et de les utiliser. Je laisse cette délicate appréciation aux pays victimes de tueries en masse, fusillades, attentats terroristes et autres règlements de comptes. Donc, pour moi ce n’était qu’une activité sportive.
Un borgne peut-il pratiquer le tir ? Je réponds affirmativement, puisque la visée nécessite de fermer un œil ! Hé Hé
J’avoue m’être régalé : J’ai ‘fait feu’ avec des armes de poing Mauser, Browning, Beretta, Luger, SIG Parabellum, Glock, même un Colt 45, me prenant pour John Wayne, des carabines Winchester, comme Calamity Jane, des ‘mousquetons’ 11 et 31, des fusils d’assaut Fass 57. Je confesse que les cibles étaient souvent anthropomorphes et… mobiles, if you see what I mean !
Pour me réconcilier avec les anti armement, mais en restant dans la police, voici une anecdote ‘désarmée’ !
En fin de journée, je passais parfois saluer les agents de garde, mais ce soir-là les deux collègues de service devaient intervenir pour un accident. Ils auraient dû faire appel à du renfort, sauf que… « Secrétaire ! Tu fais le planton en notre absence ? »
Imaginez un borgne de même pas 20 ans, réformé par les autorités militaires, promu Chef d’un poste de police…
« Bonsoir, ici le Café du Commerce, deux clans de ‘vanniers’ se battent, envoyez-nous vite du monde ! » Je précise que sur les rives lémaniques on nomme ‘vanniers’ ceux qui travaillent l’osier, mais aussi tous les marginaux, ferrailleurs, romanichels, gitans, tziganes, gens du voyage, forains, rémouleurs, j’en passe. J’alarme un groupe de réserve. A peine la porte du bistrot franchie « mes hommes » se trouvent en face d’un seul groupe ‘très homogène’ de 20 personnes… et pas des enfants de chœur. Vous avez pigé la réconciliation subite des deux clans antagonistes. On m’a dit que la prochaine fois il fallait laisser « ces gens » régler leurs différends entre eux.
Et un chapitre à plein gaz pour terminer ma trajectoire policière :
Peut-on se défouler au volant d’une ambulance ?
Là encore je réponds : Oui !
Notre commissariat assumait le service ambulancier officiel de toute la région. Pour les interventions les agents échangeaient leur veste gris-vert contre une blouse blanche, posaient leur arme de service mais… oubliaient souvent d’enlever leur képi !
Un jour le chef de poste me dit : « Le médecin a demandé un conducteur très rapide pour une urgence. Tu prends le volant ! » Trop content de l’aubaine, j’enfile une blouse blanche et départ. Je ne vous raconte pas le gymkhana (c’était avant la construction de l’autoroute) pour entrer dans Lausanne à 18 heures, en plein dans les bouchons, roulant à plus de 120 km/heure, avec l’ivresse de la sirène et des feux bleus, souvent en empiétant sur les bas-côtés et les trottoirs ! Il s’agissait d’une parturiente faisant de l’albumine et on m’avait dit que c’était ‘urgentissime’. Le lendemain, j’ai eu les félicitations par téléphone du médecin-chef de l’hôpital, car j’avais permis de sauver deux vies, la mère et l’enfant.
Il y a des fois où on se sent moins inutile sur cette terre !
Précision : Dans les années 60, on n’exigeait ni permis professionnel ni formation de samaritain pour conduire une ambulance. Pour ceux qui ricaneraient, je précise que toutes mes interventions étaient dues à du pilotage rapide, souvent…heu, assez téméraire. Je n’ai heureusement jamais eu à prodiguer des soins, une autre manière de sauver des vies !
Quel bonheur, à l’âge de la retraite, d’avoir des souvenirs d’une vie intense, originale, pleine de surprises et de satisfactions. Même avec un seul œil valide !

J’aurais peut-être dû rester dans les forces de l’ordre et, qui sait, postuler un emploi à la police italienne. Sur le plan des véhicules d’intervention, ils ne se refusent rien !
Fâché avec les chiffres !
Serais-je vraiment en conflit avec les chiffres ?
Mes amis surfent sur le pavé numérique de leur calculette ou ordinateur à l’aveugle et à une vitesse supersonique… alors que, pourtant rapide au clavier, quand je dois incorporer des chiffres je m’arrête pour disposer mes doigts sur le pavé, cherchant les chiffres un par un, à la vitesse d’un chariot agricole.
Il y a presque 50 ans, à défaut de me réconcilier avec les nombres, j’ai eu une explication de ce que je croyais être un problème personnel.
Sur un circuit automobile, alors que je chronométrais nos deux voitures aux essais, notant chaque temps de passage et faisant les soustractions nécessaires à l’obtention des temps au tour, mon ami pilote et ingénieur Bernard Chenevière, attendant de reprendre la piste, suivait mes activités. Il m’interrompt et commente : « Mais ‘Dudu’ tu n’as aucune notion de la position des chiffres sur une échelle de 1 à 10 ! » et il me demande de lui passer la planchette équipée trois chronos

À chaque pression du levier de commande, un chrono démarre, le deuxième s’arrête et le troisième se remet à zéro ! Bon, c’était juste après le Moyen-âge !
Il lit un résultat, le note sur la feuille de chronométrage à côté du temps de passage précédent et il ne lui faut que quelques dixièmes de secondes pour faire la soustraction qui donnera le temps au tour !
Je suis né 30 ans trop tôt car maintenant, avec le chronométrage informatisé, je n’aurais pas eu ce problème. Grâce à mon ami Bernard, j’ai découvert mon incapacité à mettre visuellement les chiffres à leur place ! Un point c’est tout.
Mais ce n’était pas tout car, en préparant ce texte, je suis tombé sur un graphique utilisé dans l’enseignement primaire français :

J’ai compris qu’avec un seul œil on n’a pas la largeur de champ suffisante pour appréhender, d’un seul regard, les trois composantes de ce test : le point fixe de gauche, le point intermédiaire mobile et celui fixe de droite. Pour un borgne, il est nécessaire de ‘balayer’ à plusieurs reprises le tableau et même de déplacer latéralement la tête pour réussir ce test. Ici on ne parle pas de 3D mais du captage des composantes d’une équation graphique d’un seul coup d’oeil !
Tiens ! Il faudrait demander au ministre de l’Éducation nationale si, pour l’exercice dont nous parlons, on tient compte des monoculaires ? J’en doute, car cette fonction ministérielle s’apparente à l’aéronautique : ça vole bas et le titulaire du moment est assis sur un siège éjectable !
Donc ma lenteur et mes insuffisances en matière de perception des chiffres proviennent de la borgnitude. Sujet de thèse pour les futurs docteurs en ‘zieutologie’… encore un !
Force mentale et physique
Un borgne est dur au mal, avec une force mentale au-dessus de la moyenne…
Ne cherchez pas les références sur votre smartmachin, car je suis l’auteur de cette affirmation, que j’assume !
Par exemple, il ne fallait pas être douillet pour s’extraire une dent de sagesse infectée et douloureuse, tout seul dans un ‘cortijo’ des montagnes andalouses, à une époque où nous n’avions pas de voiture, mais seulement une mule pour nos déplacements, extraction avec des tenailles et utilisation de ce merveilleux produit combiné, à la fois antidouleur et désinfectant : l’aguardiente ou ‘coñac ibérico’ à 45°, même en renouvelant plusieurs fois le traitement !
Une autre… une autre…
Bon d’accord !
En 45 ans d’activités professionnelles, je n’ai pas manqué une demi-heure de boulot. Ceux qui me suivent savent que je n’ai jamais vu de médecin ni consommé la moindre pilule dans ma vie, donc personne ne m’a dissuadé de ‘courber le taf’. Voici une histoire édifiante, déjà été publiée dans mon blog.
Avril 1956. Certificat d’études primaire supérieure en poche avec une année d’avance, je devais attendre décembre et mes 15 ans révolus pour quitter le système scolaire. Stupide mais authentique !
C’est ainsi que je me suis ‘emmerdé’ quelques mois dans une École Supérieure de Commerce qui ne m’intéressait pas, mais passage indispensable pour me libérer de mes obligations scolaires légales.
En attendant d’entrer en apprentissage dans l’administration, j’ai trouvé un job de ‘petite main’ dans une entreprise de nickelage chromage. La patronne était une veuve genre Edith Piaf. Petite, autoritaire, habillée de noir, pétant le feu, on aurait presque attendu qu’elle nous chante le Prisonnier De La Tour… Sous les ordres de cette matrone à l’énergie débordante, nous traitions de la robinetterie par bains électrolytiques de cuivre, de nickel et de chrome ! Pour moi, beaucoup de manutention et de nettoyage entre ces opérations. Mon jeune âge, mon envie d’apprendre et surtout de bien faire, ajoutés à un salaire dérisoire, satisfaisaient la ‘taulière’ jusqu’au jour où je suis allé travailler avec de la fièvre, pensant que ce n’était pas un obstacle à mon boulot. Mais je n’avais pas mon ‘rendement’ habituel et ‘Edith’ me houspillait. Je l’avais mal habituée, travaillant trop rapidement !
« C’est que j’ai de la fièvre ! »
« La belle affaire. Moi aussi j’ai de la fièvre, tout le monde a de la fièvre ! »
« Mais j’ai beaucoup de fièvre !»
Notre ‘prise de bec’ commençait à intéresser mes brimés de collègues qui arrêtaient leurs machines pour écouter le ‘jeunot’ se ‘farcir la vieille’. Je lui répète que j’ai au moins 40° de fièvre mais que ça ira rapidement mieux, ce qui met l’acariâtre mégère en furie, surtout devant son personnel.
Elle trouve la parade : « Ha ! Ha ! 40 de fièvre, tu te fous de moi ?… Je vais chercher un thermomètre et on va bien voir ! »
Elle revient avec l’outil de mesure au mercure qui devait me confondre et renvoyer à leur ouvrage les 4 employés ! Mais deux minutes plus tard, la Fée Carabosse blêmit et devient Blanche-Neige à la vue du thermomètre qui indique 41.2°.
Oui quarante et un point deux !
Vous comprendrez que je n’aie jamais été concerné par le syndicalisme, l’assistanat et la pénibilité du travail.
Changement d’ambiance : La ‘mère machin’ devient presque humaine, prévenante et hypocritement sympa. Il faut avouer que ça la ‘foutrait’ mal avec les autorités d’avoir le cadavre d’un adolescent non déclaré au milieu de l’atelier !
Branle-bas de combat : « Vous prenez soin du gamin ! J’appelle un taxi pour le reconduire chez lui ! » A la maison, ma mère m’a convaincu de me reposer et le lendemain, refusant de contrôler ma température, je reprenais le train pour Genève, toucher mon salaire et prendre congé de mes sympathiques collègues. ‘Edith’ s’est rapidement éclipsée, peut-être pour revoir la partition des Trois Cloches de Gilles dans laquelle elle aurait pu tenir le rôle de l’une d’elles… Quant à moi, je suis parti heureux en fredonnant La vie en rose, et j’ai commencé ma formation de prof de ski pour passer l’hiver, en attendant de commencer mon apprentissage !
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Encore un peu de force mentale…
C’est une suite à mon texte https://wordpress.com/post/akimismo.wordpress.com/6414
1963. J’ai 22 ans (Oui je sais, ça ne nous rajeunit pas !). Jeune marié et père de famille, je suis confronté à une épreuve qui, de nos jours, nécessiterait psychologue et cellule de crise. Je rentre du travail et trouve ma femme en pleurs. Elle vient d’appeler le pédiatre pour une rechute de notre fils âgé de deux semaines. Nous sortions d’une période difficile qui ajoutait à une mastite de ma femme une sérieuse infection du gosse. Le médecin dit que c’est très grave et qu’il ne peut pas prendre le risque d’attendre une ambulance. Il ne peut pas non plus conduire tout seul un si jeune malade à l’hôpital. Je prends ma propre voiture et le pédiatre tient le gosse dans ses bras. Je fais le trajet à une allure que la loi aurait pu sanctionner et le médecin m’avouera plus tard qu’il n’a jamais eu aussi peur dans sa vie. Et pourtant souvenez-vous que c’est en pilotant une ambulance que j’ai appris à sauver des vies en étant très lourd du pied droit ! Hospitalisation de quelques minutes seulement, avant de réorienter le petit malade en hélicoptère vers l’Hôpital Universitaire de la capitale. Diagnostic : pneumothorax, soit un épanchement d’air dans la cavité pleurale avec, ce qui est plus grave puisque incurable à cette époque (1963), une infection au staphylocoque doré. Rien que ça. Afin de ne pas vous la jouer façon Hitchcock, sachez que grâce à des médicaments totalement expérimentaux, les ‘sulfamidés’ récemment mis au point par l’industrie pharmaceutique italienne, ils ont sauvé le gosse. Je vous parlais de la force mentale, alors sachez qu’en ces temps moyenâgeux, dans une Suisse sans sécurité sociale officielle, on devait prendre une assurance privée avant la naissance des enfants… ce que j’ignorais. Eh oui ! Quand tu as vingt ans, père de famille sans l’avoir voulu, t’as autre chose à faire que de t’informer sur les obligations légales. Je me retrouve alors avec une femme qui sera hospitalisée pour une mastite carabinée, un gosse qu’on vient de baptiser en urgence dans sa couveuse aseptisée, entre la vie et la mort à l’hôpital universitaire de la capitale et une facture équivalente à plus de 150’000 euros actuels, pour l’hosto, l’hélico et les fameux sulfamidés ! (Bon, on me fera bien plus tard cadeau des médocs, pas encore officiellement sur le marché !)
Au sujet du baptême en urgence par un pasteur protestant appelé par les responsables médicaux, je me suis fait remarquer : au moment où l’ecclésiastique prétendait passer ses mains non gantées et non désinfectées par les manchons d’accès au bébé dans sa couveuse, pour un sacrement à l’eau bénite, j’ai explosé en lui interdisant la manœuvre. Il m’a regardé de travers mais au vu de de mon faciès hargneux, il a compris qu’insister aurait été dangereux pour sa santé physique. Nom de dieu !
Pour le clou de l’histoire je vous livre une remarque entendue de la bouche d’un officier de l’armée, pourtant au courant du traumatisme que je traversais : « Ô toi, t’es pas un homme car tu n’as pas fait ton service militaire ! » Qui a dit force mentale ? Et vous admirerez une autre force que je revendique : Celle de retenue pour ne pas avoir foutu mon poing dans la gueule du militaire gradé !
A perte de vue…

Et si je perdais mon œil valide ?
Aucun borgne n’échappe à cette terrifiante pensée, surtout au moment de confier son bon œil à un ophtalmo pour l’opération de la cataracte ou pire, comme il y a 2 ans, alors que, comme Abraracourcix, j’ai cru que le ciel m’était tombé sur la tête : Je lisais tranquillement mon journal, et d’un coup la page s’est troublée, puis a disparu de ma vue. Par chance mon ophtalmo m’a donné rendez-vous en urgence le soir même à 20 heures. C’est à Ubeda, à 100 km de chez nous et je me félicite d’avoir insisté il y a quelques années pour que ma femme passe son permis de conduire.
Diagnostique : Décollement de la rétine. Ah bon ! Et comment ça se soigne ? Opération ! Quand ? Demain à 12 heures 30, le rendez-vous est déjà pris dans une clinique privée ! Où ? Cordoba ! Hein ?… Oui, Cordoba. On ne peut pas attendre un peu ? Non, car votre œil serait perdu. J’abrège : Ma courageuse femme affronte, seule au volant bien sûr, un périple de 700 km. De la maison à Ubeda, puis retour pour prendre une brosse à dents et quelques affaires et, dès 6 heures, les 250 km depuis notre domicile jusqu’à Cordoba. Et retour au bercail avec l’handicapé, après l’opération ! Je ne le répéterai jamais assez : Merci chérie !
Voici à quoi ressemble un décollement de la rétine :

Et voici ma rétine recollée !

L’opération a duré une heure quarante. Vous voulez des détails ?
On fait trois trous dans la cornée : un pour passer l’outillage destiné à remettre les éléments déchirés en place, un autre orifice pour le laser destiné à appliquer les 700 points de soudure (oui 700 !) et fixer la rétine rassemblée et recollée. Le troisième trou permet de passer un tuyau pour évacuer le ‘vitré’, ce gel qui remplit le globe oculaire et un autre pour injecter du gaz qui maintiendra sa forme sphérique.
Il faudra attendre l’élimination naturelle de ce gaz et son remplacement par un nouveau ‘vitré’, que cette merveille de corps humain aura fabriqué.
Une ‘plaisanterie’ qui ne me laissera voir que des lueurs, de vagues formes et des silhouettes en mouvement, sur une chaise longue, pendant 5 semaines. Ayant vécu cette longue attente sur ma terrasse je suis heureux de vivre au climat andalou.

Une image à laquelle je suis attaché, puisque que j’en suis l’auteur… mais surtout parce que j’ai bien failli ne plus jamais la voir !
Après cet intermède moralement ‘douloureux’, j’ai repris ma vie presque normale, 3 mois plus tard !
Pour l’instant, je suis reconnaissant que l’ophtalmologie me permettre de continuer la publication de ‘Ma vie en monovision’.
Vous me suivez ?
Les borgnes maîtrisent mieux les risques !
J’ai pris des risques dans ma vie : en montagne avec quelques situations extrêmes à près de 8’000 mètres en Himalaya, moins 38° en Laponie, cyclisme avec des descentes de col à plus de 100 km/h, moto à 285 km/h, plus de 300 km/h avec une Ferrari Daytona de compétition de 440 CV, parapente, ballon à air chaud, dirigeable, entretien de toits à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, et même deux mariages… je vous l’ai dit, j’ai vécu dangereusement ! Et je continue à prendre des risques : sachant que le 95% des gens meurent dans leur lit, je persiste à me coucher dans le mien chaque soir. J’ai connu des gens jouissant d’une vision normale qui ont eu des accidents, même graves et mortels. Ai-je eu de la chance ? Je réponds oui, mais seulement si la concentration permanente et la conscience du danger de tous les instants, qui m’ont permis d’échapper au pire, sont des caractéristiques de la chance !
Vivre avec un borgne
Une porte d’armoire restée ouverte, c’est pour ‘ma pomme’, ou pour mon oeil, le valide bien sûr ! Un tiroir resté ouvert, c’est pour mon genou. Un tapis dont les coins se relèvent, c’est encore pour mon pied qui va trébucher. Idem pour tout meuble ou accessoire ménager non remis dans « son » site habituel. Ô que j’apprécie cette ancienne affiche de ma jeunesse, vue dans l’atelier d’amis artisans :
Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place.
Quelques dizaines de centimètres de déplacement d’un objet par rapport à « sa » place habituelle peut être dangereux. Je vous le dis : pour un amblyope et ceux ou celles qui le côtoient, c’est le Bronx ! L’occasion de remercier celles qui ont partagé ma vie pour leur compréhension…
Que fait-on pour les malvoyants ?
En complément de ma récente réflexion sur la cécité, sous le titre A perte de vue, je vais vous parler d’une institution espagnole remarquable pour ceux dont la vue est déficiente. Je précise que dans mon pays d’accueil (depuis 27 ans !) il est de bon ton de se moquer un peu, critiquer souvent et railler beaucoup l’administration, avec des raisons, c’est vrai… mais pour une fois qu’on pourrait sans réserve placer l’Espagne en haut d’un tableau, celui des choses qui fonctionnent, nous n’allons pas bouder notre plaisir !

(Organización Nacional de Ciegos Españoles)
C’est une loterie sérieuse, appréciée et reconnue dans le tout le pays. Et je vous assure que ça fonctionne…
La télévision espagnole avait une speakerine aveugle qui maniait, parait-il, de manière spectaculaire un prompteur en braille et j’ai lu pas mal de commentaires sur sa carrière sortant de l’ordinaire. Par exemple, dans un reportage sur elle, publié dans mon magazine hebdomadaire, à la question stupide, d’un plumitif encore plus stupide que sa question « Est-ce une épreuve douloureuse de perdre la vue ? », elle avait répondu : « Perdre la vue est un drame partout dans le monde mais perdre la vue en Espagne est plus acceptable grâce à la O.N.C.E. Avec cette organisation nous avons des années-lumière (ce sont ses paroles !) d’avance sur les autres pays ».

Il faut dire que la O.N.C.E a pour but principal de rendre leur dignité à ceux qui souffrent de problèmes visuels. Ils vendent des billets de loterie dans la rue, dans les établissements publics, même dans des kiosques pour les moins mobiles et les plus anciens, mais ils travaillent ! Ils ne mendient pas, ne demandent pas, ne suscitent pas la pitié… ils travaillent ! Ils ont des horaires de travail gérés par la O.N.C.E, des jours de congé, des vacances et même, le temps venu, droit à une retraite. C’est pourquoi j’achète toujours un coupon, sans penser aux éventuels gains. Aider une organisation aussi efficace, maintenant aussi active pour tous les invalides, me suffit. Et si un jour je gagne, je penserai à ristourner une partie de mes gains à cette exceptionnelle organisation !

Cette compilation est en cours de mise au point. Je dois tout relire pour être cohérent avec mes principes! Alors, un peu chaque semaine. D’accord?
La lettre à mon instituteur
J’ai quitté l’école primaire en 1953 et n’ai pas revu mon instituteur pendant plus de 50 ans. Je lui ai écrit. Il m’a répondu et nous avons eu des retrouvailles émouvantes, nous permettant à plusieurs reprises de faire une sorte de bilan de nos deux vies et de partager un coup de Chasselas du terroir ! Des moments très intenses.
Voici quelques extraits de ma lettre (c’était avant qu’il me propose le tutoiement…) avec des photos ajoutées après nos retrouvailles :
A l’école vous nous lisiez des extraits de Jack London. J’avais été marqué par « Construire un feu », bouleversé par le final avec l’ultime allumette s’éteignant, un passage qui m’a poursuivi toute ma vie… et peut-être à l’origine de ma passion pour le Nord, le froid, le ski et l’alpinisme.
J’ai gravi plus de 15 sommets de 4000 m. (ski, crampons, varappe) même le toit de l’Europe…

Trois fois au sommet du Mont Blanc 4810 m. Je suis deuxième depuis la gauche


Et pour mes 40 ans le Miroir d’Argentine
J’ai parcouru 400 km à ski de fond en Laponie par des températures descendant à moins 38º et suis monté à près de 8000 m. en Himalaya.

A gauche: Halte dans une cabane de lapons sur la route de Alta. Je suis deuxième depuis la droite. Ci-dessous: Deuxième depuis la gauche, je pose avec mes coéquipiers au camp de base avant d’attaquer les dernières difficultés du Cho Oyu (8200 m) dont nous manquerons le sommet pour quelques centaines de mètres…

J’ai piloté, professionnellement, des montgolfières et un dirigeable à air chaud. Au sujet de mes performances sportives, c’est vrai que sans jamais avoir été un champion, j’ai quand même une petite carte de visite à faire valoir :
Ski de fond : Plusieurs fois la Vasaloppet en Suède (90 km), la Marcialonga dans le Val de Fiemme i Fassa, Trentino (75 km), le Marathon de l’Engadine (42 km) et la Marcia Gran Paradiso dans le Val d’Aoste (45 km avec 1800 m de dénivelé !)

The end ! La Marcia Gran Paradiso 1995 pour la 17ème et dernière fois. Photo historique pour moi puisque j’avais 54 ans, l’année que je me suis expatrié en Espagne et que je n’ai plus jamais rechaussé les skis ! ►
J’estimais plus important de laisser une image ‘dynamique’ que de sombrer dans la médiocrité d’un vieil has been fluo, échéance inéluctable pour ceux qui ne savent pas raccrocher !
Ski de piste et de randonnée : de nombreuses fois la Haute route Chamonix Zermatt ou Zermatt Verbier, et la Patrouille des Glaciers (Arolla – Verbier).
Participation à une manche du Championnat du monde de ski-alpinisme. Je fus aussi prof de ski pendant une trentaine d’années.
Bicyclette de course : 4 fois les 12 heures de Gland (389 km !) Plus de 45 grands cols en Suisse, France et Italie avec des noms comme le Galibier, La Madeleine, l’Izoard, le Tourmalet, l’Aubisque, Peyresourde, le Stelvio, Gothard, Grimsel, Furka, Nufenen, Splügen, sans oublier l’incontournable Mont Ventoux par ses deux versants : Malaucène et Bédoin !
Course à pied : 8 fois Morat-Fribourg (17 km), les dix premières éditions de la Course de l’Escalade à Genève (10 km)
Natation : 12e temps romand en nage libre en 1960, en 1’06 aux Championnats romands à Yverdon.
Merci Fernand pour tout ce que tu m’as apporté. Tu as été mon maître de classe et mon maître à penser. Tu as conditionné toute mon existence et je tenais à t’en remercier avec une reconnaissance émue avec ces quelques photos qui sont la suite (ou la conséquence) du texte de Jack London que j’évoquais au début de cette missive:

« Ta » classe à Eysins en 1949 ou 50. Tu reconnaîtras l’un de tes élèves, deuxième depuis la droite, rang du milieu!

Le même élève , 40 ans plus tard, cette fois dans le rôle du chef de classe..

Mes débuts de prof de ski (années 60). A noter l’usage d’une invention suisse: les chaussures à coque plastique. Les champions de la grande équipe de France d’Honoré Bonnet de l’époque skiaient encore avec des chaussures en cuir Le Trappeur. Un détail: Le Trappeur faisait fabriquer ses souliers chez le maître Karl Molitor à Wengen et les J.C. Killy, Rossat Mignot, Patrick Russel et Georges Mauduit enduisaient leurs godasses de fibre de verre artisanale! Ah! J’oubliais: les skis Rossignol qui raflaient tout en compétition… étaient fabriqués chez Gaston Haldemann… en Suisse. Authentique!
Mon instituteur se nommait Fernand Barbay. Précurseur de l’enseignement scolaire moderne, disciple de Célestin Freinet, il est décédé à plus de 90 ans.
Arrête ton cinéma (1) !
Film Le Mans et péripéties aériennes

Ceux qui pensaient à « Le Mans 66 », que je n’ai pas vu, ont ‘tout faux’ ! Il s’agit bien sûr du film « Le Mans » de 1971, avec Steve McQueen, à qui j’emprunte cette maxime :
“Racing is life. Anything before or after is just waiting”
Un sacré personnage, que j’ai côtoyé avec un grand bonheur.

Le réalisateur Lee H. Katzin venait de remplacer John Sturges qui avait abandonné le projet. Problèmes financiers, veto des assurance et surtout… d’égo !
On m’avait présenté D.B. Tubbs, l’attaché de presse du film, avant le début du tournage.
Le courant a passé et il m’a demandé de l’aider à « faire parler du film » en cours de réalisation, dans les revues spécialisées, mon domaine…
Ce sera le début d’une collaboration de plusieurs mois. Je me rendais au Mans une fois par semaine, souvent en avion privé de la production du film, un Cessna bimoteur de 8 places de Touraine Air Transport, qui venait me chercher à Orly ou à Genève, selon les opportunités laissées par ses vacations pour le film. Si je restais deux jours, McQueen me laissait une des Porsche mises à sa disposition par l’usine de Zuffenhausen.
J’envoyais des reportages à Sport Auto, l’Auto-Journal en France, Motor Sport en Allemagne, Quattroruote en Italie, Car Magazine en Angleterre et Motor Trend aux States avec des anecdotes du tournage.
Dans le prochain chapitre je vous parlerai des effets spéciaux à l’ancienne… et à l’américaine qui, comparés aux moyens électro technico informatiques modernes, paraissent moyenâgeux, mais ça avait de la gueule et sentait bon le réel !
Pour l’heure, je vous raconte une expérience aéronautique un peu ‘limite’ vécue lors d’une de mes visites dans la Sarthe :
Nous décollons d’Orly avec des VIP américains, invités de la production du film. Il est passé 17 heures et les prévisions météo ne sont pas bonnes. A peine en l’air, un mur de nuages orageux se dresse devant nous. « On y va !» me dit le pilote, un ancien de la guerre de Corée. Je précise qu’il avait l’habitude de m’installer sur le siège de droite. Nous n’en avons jamais parlé mais je subodore que ma présence à l’avant devait dissuader les passagers de poser des questions sur la présence, ou non, d’un vrai co-pilote ! Revenons aux nuages : En plein dedans. L’avion tremble et nous sommes comme dans une essoreuse.
On essaie par en-dessus… on essaie par en-dessous ! Idem. La plaisanterie dure 40 minutes, avant que nous posions sous la pluie battante à Toussus-le-Noble… à 9 km d’Orly.
Chacun sait que l’avion est un moyen de déplacement rapide : 40 minutes pour 9 km, c’est pas mal non ?
La production était venue récupérer les VIP en limousine confortable, et les conditions s’améliorant, le pilote me dit qu’on va décoller, mais qu’il y a un ‘hic’ : Si nous dépassons le « crépuscule légal », pas le droit de poser au Mans, non équipé pour le vol aux instruments et nous devrons atterrir autre part.
Peu avant Tours, échange radio avec la direction régionale :
« Demande autorisation atterrissage Le Mans ! » « NEGATIF ! Le Mans non équipé IFR !» « Pas compris, répétez !» Là je m’étonne car le message est clair ! « Le Mans NEGATIF !» Mon pilote prend une drôle de voix hachée, le coude sur la bouche et le micro très éloigné « … ompris… le mans affirmatif » Il ajoute quelques borborygmes inaudibles puis coupe la radio ! Il me fait un grand sourire augmenté d’un clin d’œil appuyé, change de canal et, en CB avec un pote du Mans, il ‘commande’ l’illumination de la piste. C’est ainsi que nous avons atterri en pleine nuit, discrètement sur une piste éclairée par les phares de 4 voitures convoquées anonymement. On n’oublie pas une aventure pareille !
Tiens, vous savez bien sûr qu’en aviation, on utilisait ‘négatif’ et ‘affirmatif’ dans les vacations radio ? Sauf que le contraire de Négatif est devenu Affirm car la confusion entre affirmatif et négatif a coûté la vie à 583 personnes le 27 mars 1977 à Tenerife. Les anciens se souviennent de la collision frontale entre deux Boeing 747 Jumbo, l’un en train de décoller, l’autre en procédure finale d’atterrissage. Oui… 583 morts pour une similitude du phonème ‘ATIF’ pour deux ordres contraires.
A l’un des avions on a dit affirmatif pour la pose et à l’autre négatif pour le décollage. Nous avons vu le résultat !
La suite de ce texte sera moins tragique et évoquera les trucages de grand papa pour le film Le Mans ! Et ce sera l’antépénultième chapitre de
Ma vie en monovision !
Arrête ton cinéma (Suite et fin) !
Film Le Mans et les effets spéciaux.
Plus fort que Gérard Majax et David Copperfield !
Je vous ai parlé de mes fréquents voyages au Mans pendant le tournage du film sur les 24 Heures, célèbre grâce à Steve McQueen.
Pour moi ce n’était pas totalement nouveau car, comme rédacteur de l’Année Automobile, j’avais suivi les prises de vue de Grand Prix en 1966 avec Yves Montand, Eva Maria Saint, James Garner, le réalisateur étant le fameux John Frankenheimer.

J’avais été témoin de scènes ahurissantes comme le lancement au canon d’une fausse BRM, en fait une épave de Formule 3 ‘arrangée’, contre les rochers près de Monaco. Et la Ferrari qui s’envolait littéralement depuis l’anneau de vitesse de Monza, que les américains avaient remis en service pour cette occasion…

Ils avaient installé des guard rails en balsa, peints en gris métallisé, et une poupée à la silhouette de Montand s’éjectait grâce à un explosif placé sous le siège de la monoplace. La charge était déclenchée par un contacteur placé dans le nez de la voiture, agissant au touché du faux rail de sécurité. Il y a eu aussi une scène à laquelle j’ai assisté, éberlué, celle où l’actrice Eva Maria Saint est sensée apprendre que son copain Jean-Pierre Sarti (Montand) est mourant. Elle a recommencé la scène 5 ou 6 fois, sais plus, chaque fois avec plus de vérité, de larmes et d’intensité. Les assistants avaient dû la reconduire dans sa loge, presque inconsciente après avoir joué cette multiple crise d’hystérie ! Et le déjeuner commun, auquel assistent traditionnellement ceux de la production, les acteurs et le staff, visiteurs invités compris, en face d’Yves Montand, hilare avec son grimage comportant des cicatrices sanguinolentes. Je vous dis, du vrai cinéma. Mais pour l’heure revenons au Mans pour d’autres effets spéciaux :
Nous sommes en 1971 et les trucages n’ont rien à voir avec les invraisemblables stupidités électroniques actuelles. Par exemple, une scène doit montrer une Ferrari qui sort de la piste et s’encastre dans une forêt.
J’ai été témoin des astuces, trucs, bricolages et situations très peu maîtrisées, même hors de contrôle, disons-le ! La Ferrari… en fait c’est une très vieille Lola Chevrolet qui, pour la scène définitive, sera déguisée en Ferrari par un changement de carrosserie. Et de couleur !
Le responsable des effets spéciaux, l’adipeux de la photo et son guignol d’assistant, n’avaient probablement conduit que des ‘américaines’ banales, genre ‘Chevy’, bien sûr automatiques.

La production m’avait demandé de ne rien publier à ce sujet… on les comprend. J’ai donc attendu la prescription pour vous en parler ! On prépare un mannequin casqué qu’on place au volant. Moteur… on tourne, pour un premier essai ! Assis sur son siège, pensant piloter une machine de course avec sa grotesque télécommande, l’assistant met trop de gaz et la fausse Ferrari (tout de même avec un moteur de 400 CV) démarre en faisant un travers, un tête-à-queue et une sortie de piste après seulement 30 mètres, terminant sa course dans un champ.
Donc on recommence sans le plouc et sa télécommande mais avec un pilote en chair et en os !

Il quittera la piste juste avant les arbres et on enverra plus tard la voiture propulsée par une fusée (mais sans pilote…) dans la forêt. La suite ne sera qu’une affaire de montage en studio.
La forêt a été préparée. Les troncs sont pré-sciés pour faciliter le ‘passage’ de la voiture. La scène devant se dérouler par temps de pluie, les pompiers engagés pour l’occasion mettent alors les lances en action pour inonder la piste. Par chance le ciel se couvre un peu, mais ce changement de météo provoque un brusque coup de vent qui entraîne la rupture des sapins pré-sciés. Coupez ! (Il s’agit de couper la prise de vue, vous l’aviez compris… car les sapins, c’est déjà fait !)
L’équipe technique redresse les arbres, les fixant avec des lambourdes et des clous. Quelques pschitt pschitt de peinture verte, brune et un peu de mousse remettront le décor en état.
Alors moteur ? Bah non, pas tout de suite, car le vent a, entre temps, asséché la piste et les pompiers doivent remettre une ondée…

Et, on m’a payé pour assister à ce ‘bordel’ cinématographique à l’américaine puisque McQueen m’avait lui même proposé (If you want to make some more money guy !) de jouer mon rôle de journaliste, très convenablement payé comme figurant (deux heures de présence pour l’équivalent actuel de 250 euros !), avec mon brassard officiel de l’International Racing Press Association
Je me trouvais donc au bord de la piste pour assister, tel un VIP privilégié, à la scène que je vous décris mais, grandeur et décadence : j’ai vu le film en première présentation mondiale à Londres, et ces ‘salauds’ ont ‘sucré’ le plan au montage. Je ne pourrai donc jamais revendiquer d’avoir partagé l’affiche d’un film avec Steve McQueen…
En route pour la pénultième
Hé hé… on s’approche du but, mais nous n’allions pas nous quitter sans un clin d’œil, fut-il amblyope !

Il y a quelques semaines, rentrant d’une promenade sur le sable de l’Atlantique, j’observe un couple d’allemands, lui 66 ans, c’est ce qu’il m’a dit, jouant au frisbee sur la plage.

Leurs échanges intéressent mon chien et je saisis ce prétexte de réaction canine pour poser quelques questions.
Parfois on apprécie de parler la langue de nos interlocuteurs… Il me dit avoir abandonné le tennis, souffrant d’un gros problème à un œil. Bienvenue au club !
Pour entretenir ses réflexes, il a trouvé que le frisbee était plus facile à maîtriser, grâce à la lenteur des échanges, la couleur fluo et la dimension de l’objet volant !
Pour ceux qui ont des problèmes visuels avec les sports d’échange de balles ou autres projectiles, je retiens la leçon du ‘frisbiste des sables‘, et je propose quelques améliorations sportives originales :

Pourquoi ne pas jouer au football avec des ‘Medicine balls’ pesant entre 6 et 10 kilos, ce qui inciterait les ‘footeux’ à couper leurs ridicules chignons ou dreadlocks et raser leurs sculptures capillaires, pour passer à un ‘look’ d’hommes, pas de ‘gonzesses pleurnicheuses’ qui se roulent par terre au moindre contact. Et moi de me réjouir de les voir intercepter les balles avec leur tête…
Que penseriez-vous de pratiquer le tennis avec des ballons de rugby ? Les spectateurs (et les arbitres !) pourraient enfin suivre la trajectoire actuellement trop rapide et les traces d’impact des balles au sol. Et l’industrie phamarcochimique pourrait élaborer des produits bien plus puissants que ceux que prennent les ‘djokomachins’ et autres millionnaires de la ‘baballe’ (maintenant je crois qu’on dit booster non ?)
Et le golf avec des boules de pétanque ? Il suffirait de renforcer les clubs et surdoser les bêtas bloquants qui aident les joueurs à se concentrer. On pourrait surtout diminuer la surface des peu écologiques terrains, honteusement gourmands en eau d’arrosage surtout au Sud.
Une autre idée : le badminton avec remplacement du traditionnel volant par des boules de neige, afin que les pays nordiques puissent aussi participer en hiver.
Enfin, j’invente le curling joué avec des pierres d’Unspunnen. Je vous dois une explication :

La Pierre d’Unspunnen pèse 83,5 kg et fait l’objet depuis 1805 d’une compétition de lancer lors d’une fête, à Interlaken. Le but de la compétition est évidemment de lancer la pierre le plus loin possible. Le record officiel est de 4 mètres 11 cm !
Bon… assez ‘déconné’… et place à une page genre album photos qui précédera la conclusion de Ma vie en monovision, d’imminente publication !
Le kaléidoscope de ma vie en guise de ‘clap’ de fin ! Certaines photos ont déjà été publiées dans ce blog !




Pendant sept ans, speaker du Tour de Romandie cycliste, d’un Championnat du monde de triathlon, de multiples championnats de vélo et de ski et même l’animation d’un championnat suisse des garçons de café à Lausanne, avec 20’000 auditeurs potentiels ! Le tout simultanément dans trois de nos langues nationales (français, allemand, italien) plus l’anglais. J’ai depuis ajouté l’espagnol mais je ne « cause plus dans le poste! » Ah! J’oubliais: j’ai fait des animations pour noces, banquets, bastringues diverses et parfois, même, payé de ma personne sur les pistes de danse!





Le début d’une carrière avec ma première carte de presse. J’avais 18 ans ➤

Qui d’autre qu’un borgne ‘touche à tout’ pourrait revendiquer d’avoir été spécialiste de la préservation du bois, titulaire d’une carte de presse, d’un brevet fédéral de professeur de ski… même pilote de ballon et de dirigeable?


Epilogue
Comme tous les perfectionnistes, je pense qu’il faudrait réécrire plusieurs fois un manuscrit et je me demande comment faisaient Messieurs Flaubert et Maupassant, avant l’ordinateur et le traitement de texte ! Alors, aurais-je dû relire mon texte une fois de plus ?

A la retraite depuis une vingtaine d’années je vis maintenant comme un octogénaire mais, ne le dites pas à mes admiratrices: j’ai plus de 80 ‘balais’ !


Je fais de longues promenades avec Nico, notre chien, sur les sentiers de notre Sierra (un G.R. de plus de 400 km passe devant notre maison), petits travaux de bricolage, lecture, écriture, photographie, très peu de télévision, peu de musique, jamais de radio mais… beaucoup de repos, ajoutant à de longues nuits, une bonne ‘siesta’, soit une moyenne quotidienne de 10 à 12 heures de sommeil, ce qui fut du reste le rythme toute ma vie et qui convient à Nico.

J’entends votre étonnement : mais comment fait-il ?
Facile, vous déduisez vos heures d’abrutisseur couleur et vous avez la réponse !
J’ai été poussé à « la mettre en veilleuse » après un grave décollement de la rétine (bien sûr à mon seul oeil valide!) et j’entends encore les conseils non négociables de mon ophtalmo : restreignez-vous à de petits travaux pour le reste de votre existence. Il savait comment je meublais mon active retraite et connaissait mes excès !




Adieu aux outils traditionnels, utilisés pour confectionner cette table de jardin.

J’ai donc investi dans un kit Dremel d’outillage miniature et c’est génial de travailler « comme Gulliver au pays de Lilliput » !
J’ai aussi redécouvert la marche, mais rien à voir avec les 450 km que nous avons parcouru au Népal, en direction du Cho Oyu (8200 m), en 34 jours…
J’ai appris que marcher n’est pas seulement se déplacer d’un point à un autre mais que c’est aussi de partir de n’importe où pour aller… n’importe où, en ligne sinueuse improvisée ou en zig zag, à la vitesse que le moment inspire, avec mon bâton de berger permettant de ‘tâter’ les creux et les bosses des sentiers, un peu à la manière… d’un mal voyant, mais aussi parfois avec les deux mains derrière le dos, comme un père qui a marié sa fille, c’est aussi ça la marche !
Mon ami Michel disait : Chacun chemine dans ses silences et dans ses rêves. Pour moi, c’est une source de réflexions pour mes futurs écrits et nos échanges sur les blogs !
J’ai dû accepter de tout remettre en question : les activités, les gestes, estimer les risques, ce qui est une bonne raison de les éviter et accepter de faire partie de cet âge qu’on qualifie de « troisième », profitant pleinement de la vie.
“Today is the first day of the last part of your life!”
J’avais découvert cette affiche il y a trente ans dans le studio d’une sympathique ‘nana’ : Cornelia, ma femme depuis 1993 !

J’aurais pu me contenter d’une vie normale et tranquille mais j’ai préféré foncer, inventer, souvent improviser, prendre des risques et mon existence fut tellement passionnante que, comme le chantait Edith Piaf :
NON JE NE REGRETTE RIEN
Sacha Guitry 1885 – 1957, disait : „ Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède appartient encore à Mozart. “
Je ne connais rien en musique mais vous dédie le silence qui suit la vie en monovision d’akimismo !

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