Ma vie en monovision (chapitre 35) Que fait la police ?
La police ? Bonne question, à laquelle, oui je peux répondre !
Nous sommes en 1960. J’ai 19 ans, titulaire de ce qu’en France on nommerait un Bac Pro (!), appelé dans mon pays Certificat fédéral de capacité d’employé d’administration (l’E.N.A. du pauvre !) j’inaugure une fonction qui vient de se créer : Secrétaire à la Direction de Police d’une ville de 20’000 habitants.
Je m’intègre rapidement dans cette ‘organisation’ (de fait un peu désorganisée !) qui avait imaginé que les nombreuses tâches qu’on m’avait attribuées seraient difficiles à assumer.
Tu parles…
En quelques heures j’avais fini mon boulot de la journée, ce qui me laissait du temps pour aider mes collègues en uniforme, peu à l’aise avec la rédaction et la dactylographie. J’abusais aussi un peu des passages au bistrot voisin. Vous commencez à savoir pourquoi j’ai une petite idée sur la pénibilité du travail des fonctionnaires…
Mais surtout, j’avais du temps libre pour participer aux entraînements des policiers au stand de tir de la commune.
Le tir est une passion pour moi (oups !) mais… sachant que c’est un sujet délicat, je m’en tiendrai au tir sportif, n’entrant pas en matière sur la détention d’armes, l’autorisation de les porter… et de les utiliser. Je laisse cette délicate appréciation aux pays victimes de tueries en masse, fusillades, attentats terroristes et autres règlements de comptes. Donc, pour moi ce n’était qu’une activité sportive.
Un borgne peut-il pratiquer le tir ? Je réponds affirmativement, puisque la visée nécessite de fermer un œil ! Hé Hé
J’avoue m’être régalé : J’ai ‘fait feu’ avec des armes de poing Mauser, Browning, Beretta, Luger, SIG Parabellum, Glock, même un Colt 45, me prenant pour John Wayne, des carabines Winchester, comme Calamity Jane, des ‘mousquetons’ 11 et 31, des fusils d’assaut Fass 57. Je confesse que les cibles étaient souvent anthropomorphes et… mobiles, if you see what I mean !
Pour me réconcilier avec les anti armement, mais en restant dans la police, voici une anecdote ‘désarmée’ !
En fin de journée, je passais parfois saluer les agents de garde, mais ce soir-là les deux collègues de service devaient intervenir pour un accident. Ils auraient dû faire appel à du renfort, sauf que… « Secrétaire ! Tu fais le planton en notre absence ? »
Imaginez un borgne de même pas 20 ans, réformé par les autorités militaires, promu Chef d’un poste de police…
« Bonsoir, ici le Café du Commerce, deux clans de ‘vanniers’ se battent, envoyez-nous vite du monde ! » Je précise que sur les rives lémaniques on nomme ‘vanniers’ ceux qui travaillent l’osier, mais aussi tous les marginaux, ferrailleurs, romanichels, gitans, tziganes, gens du voyage, forains, rémouleurs, j’en passe. J’alarme un groupe de réserve. A peine la porte du bistrot franchie « mes hommes » se trouvent en face d’un seul groupe ‘très homogène’ de 20 personnes… et pas des enfants de chœur. Vous avez pigé la réconciliation subite des deux clans antagonistes. On m’a dit que la prochaine fois il fallait laisser « ces gens » régler leurs différends entre eux.
Et un chapitre à plein gaz pour terminer ma trajectoire policière :
Peut-on se défouler au volant d’une ambulance ?
Là encore je réponds : Oui !
Notre commissariat assumait le service ambulancier officiel de toute la région. Pour les interventions les agents échangeaient leur veste gris-vert contre une blouse blanche, posaient leur arme de service mais… oubliaient souvent d’enlever leur képi !
Un jour le chef de poste me dit : « Le médecin a demandé un conducteur très rapide pour une urgence. Tu prends le volant ! » Trop content de l’aubaine, j’enfile une blouse blanche et départ. Je ne vous raconte pas le gymkhana (c’était avant la construction de l’autoroute) pour entrer dans Lausanne à 18 heures, en plein dans les bouchons, roulant à plus de 120 km/heure, avec l’ivresse de la sirène et des feux bleus, souvent en empiétant sur les bas-côtés et les trottoirs ! Il s’agissait d’une parturiente faisant de l’albumine et on m’avait dit que c’était ‘urgentissime’. Le lendemain, j’ai eu les félicitations par téléphone du médecin-chef de l’hôpital, car j’avais permis de sauver deux vies, la mère et l’enfant.
Il y a des fois où on se sent moins inutile sur cette terre !
Précision : Dans les années 60, on n’exigeait ni permis professionnel ni formation de samaritain pour conduire une ambulance. Pour ceux qui ricaneraient, je précise que toutes mes interventions étaient dues à du pilotage rapide, souvent…heu, assez téméraire. Je n’ai heureusement jamais eu à prodiguer des soins, une autre manière de sauver des vies !
Quel bonheur, à l’âge de la retraite, d’avoir des souvenirs d’une vie intense, originale, pleine de surprises et de satisfactions. Même avec un seul œil valide !
J’aurais peut-être dû rester dans les forces de l’ordre et, qui sait, postuler un emploi à la police italienne. Sur le plan des véhicules d’intervention, ils ne se refusent rien !
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